La tour infernale

L’incendie de la tour Grenfell à Londres a fait au moins 79 tués la semaine dernière, ainsi que de nombreux blessés. Le feu s’est propagé de façon anormalement rapide, du fait de la présence de panneaux d’isolation extérieure ne répondant pas aux normes anti incendie, car ils sont constitués de polystyrène et d’aluminium. La municipalité de Londres a pris la décision d’évacuer dans l’urgence cinq tours équipées de façon similaire. Une décision probablement sage, mais qui parait incohérente puisqu’elle intervient tardivement, 9 jours après le drame.

Ce contraste entre l’urgence et les atermoiements est un indicateur du degré d’inertie qui caractérise trop souvent les services publics, et pour lequel nous n’avons rien à envier à nos collègues anglais. Il y a 44 ans, un collège brûlait dans le 19e arrondissement de Paris, le CES Pailleron. Les matériaux qui le composent, structures métalliques et matières plastiques n’étaient pas conçues pour résister plus de 15 minutes au feu. Bilan : 20 morts, 4 adultes et 16 enfants. L’état, maitre d’ouvrage, ne sera condamné qu’à hauteur d’un cinquième des conséquences du drame, du fait du caractère volontaire de l’incendie. Il faudra cependant mettre aux normes les 68 établissements similaires. Pourtant, dès 1970, un autre sinistre avait fait grand bruit. Une discothèque de l’Isère, à Saint-Laurent-du-Pont, avait entièrement brûlé et provoqué la mort de 146 personnes. Là aussi, les éléments de décor en matière plastique avaient aggravé la situation, en favorisant la propagation du feu et en dégageant des fumées toxiques. Les normes ont été relevées à la suite de ce drame, mais un peu tard. En Angleterre comme en France, il semble qu’il faille attendre une catastrophe pour prendre conscience de l’urgence des mesures de sécurité.

Un autre aspect important tient à la nature de la cause de cet incendie à Londres. Il semblerait que le feu se soit déclaré à la suite d’une défaillance d’un réfrigérateur, ce qui est pour le moins inquiétant. Il y a peu, c’est une blogueuse influente qui succombait à un dysfonctionnement de son appareil à fabriquer de la crème chantilly, dont l’explosion a provoqué un choc thoracique et un arrêt cardiaque. Un accident qui n’est pas isolé et qui conduit à se demander si les règles de sécurité des appareils ménagers sont suffisamment strictes. On pourrait citer également les risques d’implosion des téléviseurs anciens à tube cathodique, et plus récemment, ceux des batteries de portables, interdites dans les soutes des avions. De quoi alimenter les fantasmes des dangers de la technologie et des risques de perte de contrôle de l’homme sur la machine. Une raison de plus de prendre toutes les mesures nécessaires avant qu’il ne soit trop tard.