Et en même temps

Ce serait, parait-il, la formule magique du président. Celle sur laquelle il a bâti sa ligne de conduite. Il dit être issu de la gauche, ce qui reste à démontrer, et « en même temps » partager les valeurs de la droite. Je suppose que cela répond à un désir de symétrie et d’équilibre du parfait gentilhomme des lumières à la tête aussi bien faite que bien pleine, dont le corps sain renferme un esprit non moins sain. Il me fait penser à une comparaison de mon ancien prof de philo, avant qu’il ne tourne définitivement à droite et se perde corps et biens.

Pour lui, le raisonnement traditionnel basé sur la succession thèse, antithèse, synthèse, était comparable à l’apprenti décorateur, qui, après avoir posé un chandelier sur la gauche de la cheminée, s’empressait de le flanquer d’un deuxième à droite dans une position exactement symétrique à celle du premier, et terminait l’ouvrage en déposant triomphalement la pendule ou le trumeau précisément au centre, pour parachever le tout. J’avoue n’avoir pleinement compris sa parabole que beaucoup plus tard, mais elle m’a permis de garder un esprit critique dépassant les apparences d’un raisonnement trop beau pour être honnête en bien des occasions. De la même façon, après avoir consulté les syndicats, puis consulté le Médef, et enfin pris l’avis des experts, le président pourra trancher, la conscience parfaitement tranquille, sur une réforme que l’on qualifiera « d’équilibrée », sous prétexte qu’au cheval patronal on aura mélangé l’alouette syndicale, afin de donner une vague teinture sociale aux recettes libérales.

Sa ligne de conduite en toutes occasions semble dictée par des considérations d’alliance des contraires passant pour de la pondération. Le beurre et l’argent du beurre, en somme. Ou encore l’art de noyer le poisson. Je suis désolé de le contredire, mais la notion d’en même temps m’est totalement étrangère. Il existe une petite chronique radio intitulée « tout et son contraire », dans laquelle Philippe Vandel tente de démêler le vrai du faux des paroles attribuées à ses invités. Je crois au principe de non-contradiction, selon lequel un fait ne peut pas être simultanément vrai et faux, juste et erroné. Contrairement à l’inconscient qui admet justement des positions contradictoires, tout l’esprit cartésien repose sur cette règle de logique la plus élémentaire. Il m’est donc impossible de souscrire à cette chimère qui permettrait miraculeusement de satisfaire à la fois tout le monde et son père. Le président peut toujours se montrer sympa avec les gens, pris individuellement, il faudra bien qu’il se confronte à la réalité, et les Français avec lui. Un réveil qui promet d’être douloureux, surtout pour nous.