Le vote gribouille

Le deuxième tour des législatives a donc délivré son verdict, si l’on excepte au moins un résultat serré et contesté, celui de Manuel Valls qui n’aurait devancé sa concurrente de la France insoumise que d’une poignée de voix, un résultat peu glorieux pour l’ancien premier ministre malgré ses compromissions. Comme au premier tour et même pire, le scrutin n’a pas soulevé l’enthousiasme, d’autant plus que les jeux étaient apparemment faits. On ne peut pas parler d’adhésion populaire avec à peine un quart des inscrits ralliés au nouveau président.

Mais qu’importe, Emmanuel Macron a désormais les mains libres pour faire adopter toutes les mesures libérales dont il rêve en croyant, sincèrement ou pas, qu’elles vont résoudre les problèmes des Français. Ceux des statistiques, car les autres, en chair et en os, il n’a pas la moindre idée de la façon dont ils vivent, et ne sait que leur conseiller de bosser pour se payer les mêmes costards que lui. Parmi les projets, il en est un qui me parait exemplaire de la période qui s’ouvre désormais. Vous avez remarqué qu’il est devenu impossible de sortir de l’état d’urgence, qui, de provisoire, est en passe de devenir permanent. À chaque fois que le terme légal approche, le spectre d’une nouvelle attaque terroriste se dresse pour dissuader le gouvernement de l’abandonner, bien que son utilité ne soit plus aussi manifeste. Qu’à cela ne tienne. Il suffit de faire entrer les dispositions exceptionnelles dans la loi ordinaire et le tour sera joué. On va donc faire voter des restrictions permanentes aux libertés fondamentales sous prétexte de mettre fin à des pratiques dérogatoires. CQFD. Nos députés-gribouilles vont donc plonger tout habillés afin de ne pas se faire mouiller par la pluie.

La méthode peut se transposer dans beaucoup de domaines. Les Français ont peur de se retrouver au chômage ? C’est parce que cette perspective ne frappe qu’une minorité. Rendons tous les emplois précaires et personne ne s’étonnera plus d’être viré du jour au lendemain. Ne croyez pas que je plaisante. J’ai entendu défendre cette idée par un économiste des plus sérieux, qui croit dur comme fer que cela serait un système plus juste, car tout le monde serait visé, sauf une poignée de vrais privilégiés, naturellement. Finalement, la véritable habileté d’Emmanuel Macron aura été de faire croire à un certain nombre de Français que la meilleure manière d’échapper à la casse sociale, c’était de la provoquer dès maintenant. Ils se sont précipités dans la mare sans prendre le temps d’enfiler leur maillot de bain, en se disant : « on verra bien », et j’attends le moment où ils vont se rendre compte qu’ils sont à poil et que les temps chauds ne durent pas éternellement.