Protocole, dorures et nostalgie

Vous n’avez pas pu échapper aux comptes rendus de toutes les cérémonies qui ont entouré la passation du pouvoir d’un président à l’autre !

Tout a été prétexte pour nous faire suivre ce protocole compliqué, ce décorum, ce cérémonial, toutes ces formalités qui se devaient de respecter l’étiquette, le rituel, cet apparat, les mots ne manquent pas pour illustrer l’événement.

Il était difficile en ce dimanche 15 mai, de ne pas se croire au couronnement d’un monarque, éclairant un peu plus s’il le fallait, le nom de monarchie présidentielle que l’on s’accorde à donner à notre régime depuis 1962, depuis l’instauration de l’élection du chef de l’État au suffrage universel.

Il est normal que l’investiture d’un nouveau chef d’État soit empreinte d’une certaine gravité et solennité, et qu’on y laisse place à un certain protocole respectant les institutions. Mais est-on obligé d’agrémenter cette passation, j’allais dire intronisation, de défilés militaires, de remise de collier (qui remplace le sceptre), de réceptions de personnalités triées sur le volet dans les salons de l’Élysée, dignes d’un couronnement ?

Cette manifestation que les Anglais n’ont pas à nous envier, suivie par des millions de Français, éblouis par les uniformes, les ors, les lustres et les tapis, n’est pas sans rappeler les fastes de l’ancien régime dont on semble avoir gardé la nostalgie.

La France a beau avoir fait la révolution, elle reste fascinée par les fastes de la monarchie ! Jusque dans son vocabulaire, rappelez-vous, on parlait « des barons » du gaullisme, « du fief » d’un homme politique… Mitterrand lui-même était surnommé « le dernier des Capétiens », et le déjeuner d’apparat à Versailles qu’il a offert au G7, en reste une caricature. De Gaulle, en vrai monarque qu’il était, avait imposé que le gouvernement au grand complet soit dans le salon d’apparat d’Orly pour assister à son départ et à son retour quand il partait à l’étranger, tel un roi suivi de sa cour.

Survivance encore de cette monarchie, le président de la République dispose du droit de grâce, supprimé puis réintroduit par Napoléon, un peu modifié sous la Ve République, mais qui a quand même été utilisé plusieurs fois. Que dire encore de tous les privilèges que l’on accorde à ceux qui sont en charge de l’État, même quand ils quittent leur emploi ?

N’oublions pas les chasses présidentielles, héritières des chasses de François Ier, autres résidus de la monarchie, notre nouveau président en a promis l’ouverture à tous les chasseurs : merci Mgr de votre générosité !

Il paraîtrait que tous « ces signes extérieurs de monarchie » seraient utiles pour l’aura de la France à l’étranger, on aimerait que ce soit plutôt pour la force de sa démocratie !

Ce n’est là que détails sur la forme, bien plus grave est l’étude de fond, où il paraît de plus en plus difficile de dissocier le rôle du chef de l’État de la fonction du chef du gouvernement, ce glissement faisant de notre président un monarque ! Le dernier en date (auquel Paris-Match, journal des têtes couronnées, a consacré 26 pages) a déjà mis sa marque, en décidant nommément les journalistes qui auraient la suprême grâce de l’accompagner dans ses déplacements ! La suite risque de nous réserver bien d’autres surprises sérieuses !

L’invitée du dimanche