Abasourdi

Selon son porte-parole, Nicolas Sarkozy serait abasourdi après les révélations des journalistes du Monde selon lesquelles François Fillon aurait demandé une intervention de l’Élysée pour accélérer les procédures judiciaires contre lui. C’est un peu court, jeune homme. Sans faire offense à l’ancien chef de l’état, ce terme ne semble pas faire partie de son vocabulaire habituel, qui est, comment dire, plus imagé, à défaut d’être poétique.

 

On aurait pu dire bien des choses en somme pour exprimer l’état d’esprit du candidat à la présidence de l’UMP, sans avoir recours à un adjectif vieilli dont la prononciation à elle seule est une véritable chausse-trape dans laquelle seul un linguiste aguerri devrait s’engager. Ce ne sont pourtant pas les qualificatifs qui manquent : Nicolas Sarkozy était-il ahuri, bouche bée, confondu, ébahi, éberlué, estomaqué, étonné, frappé de stupeur, hébété, interdit, interloqué, médusé, muet d’étonnement, pantois, pétrifié, sidéré, stupéfait, surpris ? Ou peut-être était-il devenu béant ou stupide ? À moins qu’il ne soit tout simplement baba, ébaubi, épaté, époustouflé, soufflé ou suffoqué.

On a un peu de mal à croire que Nicolas Sarkozy soit sincèrement surpris par la trahison éventuelle de celui qu’il appelait publiquement son collaborateur, mais qu’il désignait en privé sous des épithètes moins élogieuses. Dans ses conversations avec les journalistes, il n’hésitait pas à qualifier l’ensemble de l’UMP de « tous des cons » avec une mention spéciale pour Fillon, qui serait « un loser », en sachant très bien que la notion de déclaration « off » a complètement disparu et que tout ce qu’il dirait serait rendu public. On voit au passage le niveau de langage d’un homme qui a beau essayer de masquer son inculture sous des formules ronflantes concoctées par ses nègres, mais ne peut s’empêcher de céder à sa vraie nature dès qu’il est livré à lui-même.

Reste le fond de l’affaire. Ce qui me choque, personnellement, c’est que François Hollande ait confié le secrétariat général de l’Élysée à un homme qui a accepté de trahir ses convictions, à supposer qu’il en ait, en étant ministre du gouvernement Fillon, et qui a gardé avec l’ancien premier ministre des relations personnelles justifiant un déjeuner commun. Mon hypothèse est que l’un et l’autre ne disent pas exactement la vérité. D’une suggestion à mots couverts de l’un on serait passé à une demande formelle pour l’autre. Ce qui est insupportable c’est cette impression désastreuse de copinage entre politiques de bords théoriquement opposés. Personne ne sort gagnant de ce genre de poker menteur. J’en reste abasourdi.

Commentaires  

#2 claude 10-11-2014 17:11
Citation en provenance du commentaire précédent de Isabelle :
Je ne voulais surtout pas être prise en défaut de culture lexicale, donc je me suis offert un petit rattrapage:
https://www.youtube.com/watch?v=KKOeiieh0zY

Tiens, au fait, si tu écrivais un petit dico des mots menacés de disparitions?

I.

Désolé, mais j'avais prévenu: la prononciation ss d'abasourdi est courante du fait de sa proximité avec assourdi, mais fautive pour les puristes qui prononcent abazourdi. Après il faut choisir entre l'usage et la règle. Tôt ou tard, l'usage gagnera.
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#1 Isabelle 10-11-2014 14:58
Je ne voulais surtout pas être prise en défaut de culture lexicale, donc je me suis offert un petit rattrapage:
https://www.youtube.com/watch?v=KKOeiieh0zY

Tiens, au fait, si tu écrivais un petit dico des mots menacés de disparitions?

I.
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