C’est grave, docteur ?
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 5 avril 2016 10:50
- Écrit par Claude Séné
Les révélations tonitruantes sur les personnalités impliquées dans l’énorme scandale de dissimulation fiscale des Panama papers ont totalement éclipsé le sujet dont j’avais prévu de vous entretenir hier. Le lièvre a été débusqué par le Sunday Times qui a piégé en caméra cachée un médecin anglais de 38 ans qui se vante d’avoir la clientèle de nombreux sportifs de haut niveau, Anglais ou étrangers, dans des domaines variés tels que le football, le cyclisme ou le tennis. Ces annonces s’ajoutent à celles concernant l’athlétisme notamment dans la fédération russe et celle du Kenya.
Le bon docteur Bonar s’est fait sa clientèle par le bouche-à-oreille, sans avoir besoin de publicité, grâce à des produits aussi efficaces qu’illicites tels que l’EPO, les hormones de croissance ou les stéroïdes anabolisants. Bien que le journal ne révèle pour l’instant aucun nom, il désigne plusieurs clubs de football de première ligue anglaise et pointe des cyclistes anglais ayant participé au tour de France. Comme par hasard, le championnat anglais est le plus riche d’Europe, attire la plupart des meilleurs joueurs et la domination des coureurs anglais sur le Tour est très récente. Elle a succédé à celle des coureurs espagnols, qui correspondait elle-même à la vogue d’un autre docteur miracle, le docteur Fuentes, condamné en 2013 pour son action dans un vaste réseau de dopage.
Si l’on remonte encore un peu, on trouve inévitablement des médecins véreux, les mieux placés pour obtenir des substances actives, celles qui ont permis à nos voisins belges de dominer le cyclisme grâce au fameux « pot », avant que le docteur Michele Ferrari assure les victoires de Lance Armstrong, champion toutes catégories du dopage organisé et de la langue de bois. L’éclosion de générations entières de sportifs performants dans un même pays, comme l’Espagne dernièrement en football, cyclisme, basket ou tennis, éveille désormais une suspicion légitime. Nous pourrions aussi nous interroger sur la pléiade de talents français en natation, une discipline où nous n’avions plus brillé depuis très longtemps. Et pendant que nous regardions la paille dans l’œil de nos voisins en 1998, nous avons peut-être loupé la poutre des champions du monde de football, dont certains venaient de la Juventus de Turin, où le médecin du club leur administrait des traitements dont ils préféraient ignorer la composition. Le monde est ainsi fait que la fierté nationale nous sert d’œillères et nous permet de croire à un ilot français d’honnêteté dans un océan de tricherie.