Une parodie de démocratie

Si l’on voulait dégoûter définitivement les Français de la politique, on ne s’y prendrait pas autrement. L’urgence du moment et l’affaire la plus importante seraient de réformer la constitution sur un point extrêmement mince qui concerne un nombre infime de nos concitoyens. Il s’agit de déchoir de la nationalité française les binationaux nés en France qui seraient convaincus d’avoir commis des actes terroristes sur notre territoire. Il faudra pour cela réunir les deux assemblées en congrès et voter à la majorité des 3/5e la loi constitutionnelle modifiant notre règle commune dont le président de la République est le garant.

Dans un pays où le chômage est l’une des préoccupations majeures de la population, où la protection des citoyens est le sujet d’inquiétude numéro un, on va nous faire croire que les parlementaires n’ont rien de plus important et de plus urgent à débattre ? Que s’il doit y avoir une union nationale transcendant les clivages partisans, elle doit être mise au service d’une mesure, certes symbolique, mais complètement mineure par rapport aux enjeux qui attendent notre pays dans les années à venir !

J’entends dire que cette mesure serait un coup de canif dans notre droit, ouvrant la porte à des abus comme au temps de l’occupation allemande, cependant que ses défenseurs estiment que ce serait le meilleur moyen de faire barrage aux entreprises terroristes. Querelles dérisoires à mon sens. Les uns estimant que la droite se serait fait piéger par le président Hollande, forcée d’apporter son soutien à son adversaire pour une mesure qu’elle avait réclamée, les autres profitant de l’occasion pour attaquer une nouvelle fois Mme Taubira, réclamant sa démission pour avoir annoncé trop tôt le retrait de cette disposition, finalement maintenue. Nous sommes en plein dans le jeu des postures, de la tactique, voire de la pantomime de part et d’autre. De quoi donner du grain à moudre à ceux dont le fonds de commerce consiste à dénoncer la politique politicienne, alors qu’ils sont les premiers à la pratiquer. Après avoir déclaré haut et fort dans toutes les formations politiques que le message des Français avait été entendu et que rien ne serait jamais plus comme avant, le signal est désastreux : il démontre clairement que la classe politique dans son ensemble n’a de cesse de reprendre son jeu de rôle, tout comme à son habitude. Après ça, on s’étonnera qu’à peine un Français sur deux se donne encore la peine de venir glisser un bulletin dans une urne, quand on lui demande son avis.