Fumée noire

Les partenaires sociaux se sont réunis hier pour la première fois selon la procédure désignée sous le nom de conclave, par analogie avec la démarche utilisée pour désigner un nouveau pape après le décès du précédent. Cette discussion a été organisée à contrecœur par François Bayrou sous la pression des élus socialistes, qui faisaient du réexamen de la réforme contestée des retraites une condition pour ne pas censurer le gouvernement sur le projet de budget. Le Premier ministre, qui s’était engagé à accepter une discussion « sans totems ni tabous », a cependant commencé par noircir le tableau en annonçant un déficit majoré à coups de milliards d’euros pour justifier des sacrifices à venir.

La Cour des comptes a donné une estimation plus réaliste, quoique déjà préoccupante. Et François Bayrou a tenté d’enfoncer le clou afin de saborder les dernières chances de parvenir à un accord, en posant une nouvelle condition exigeant le retour à l’équilibre financier du régime des retraites dès 2030. Il a pris soin de ne communiquer ces éléments qu’au dernier moment pour embarrasser les syndicats de salariés. Il a d’ores et déjà réussi à braquer Force Ouvrière, qui demandait l’abrogation pure et simple du texte imposé au 49.3 par Élisabeth Borne en 2023, et qui a quitté la négociation dès la première séance, en constatant la mauvaise volonté du Premier ministre. Les organisations patronales, elles, peuvent se payer le luxe de jouer la modération, tout en restant arque bouté sur le refus d’augmentation des cotisations. En cas, probable, de désaccord, c’est le gouvernement qui doit reprendre la main, et il peut tout à fait choisir de maintenir la réforme en l’état, malgré les sondages qui démontrent une forte opposition, qui ne se dément pas, dans la population.

François Bayrou s’est engagé à présenter un texte au Parlement à l’issue de ces concertations qui doivent durer 3 mois. Ce sera pour lui le vote de tous les dangers. Après une non-censure sur le budget, acquise aux forceps, il aura beaucoup de mal à obtenir de nouveau l’indulgence des députés de l’opposition, qui ne lui ont octroyé que du sursis. François Bayrou le sait, qui a évoqué une nouvelle voie, celle du référendum, en conformité avec les déclarations d’Emmanuel Macron qui a envisagé de « faire trancher les Français sur des sujets importants ». La question des retraites est, sans conteste, une des préoccupations de la population, qui se demande si elle adviendra ou non pour elle. Et ce qu’elle coûtera. Il sera bien difficile de formuler une question qui n’entraîne pas un rejet automatique du texte, en raison de la faible popularité du président de la République et de ses derniers soutiens. On ne voit pas vraiment de fumée blanche se profiler au bout de ce tunnel.