Désespérer Billancourt

L’expression est tombée en désuétude, mais il faut reconnaître que le spectacle donné par les partis de gauche qui n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le nom d’un Premier ministre est désolant. Alors que tout le monde sait bien que ce choix est purement symbolique et que le gouvernement qui pourrait en résulter aurait toutes les chances de ne pas pouvoir prendre de décisions véritablement progressistes sans encourir immédiatement la censure des macronistes avec le soutien actif du RN et ce qu’il reste des Républicains. Au nouveau Front populaire, seuls les écologistes et les communistes semblent décidés sincèrement à parvenir à un accord en soutenant toute candidature qui obtiendrait l’aval des Insoumis et des socialistes.

Tant que les discussions restaient confidentielles, un compromis était possible à tout moment. Le fait de porter les candidatures dans un débat public a pour effet de radicaliser les positions et de pousser à faire arbitrer les débats par l’opinion en renforçant les antagonismes au détriment d’un consensus éventuel. C’est d’autant plus dommage que la victoire surprise du 2e tour des législatives était de nature à embarrasser grandement le Président, qui semblait ne plus savoir à quel saint se vouer en refusant puis en acceptant la démission du gouvernement et du Premier ministre, tout en les confortant dans leur rôle exécutif, en attendant Godot ou des jours meilleurs, sans les empêcher de cumuler avec un mandat de député pour ceux qui ont été élus. Emmanuel Macron, par sa stratégie désastreuse, laisse un champ de ruines, dont la nation tout entière pourrait pâtir alors que le monde entier a les yeux braqués sur les Jeux olympiques. Visiblement, le président joue la montre en exploitant les zones d’ombre de la Constitution, faite sur mesure pour soutenir un chef de l’état et sa majorité, ou une majorité d’opposition.

Il peut ainsi faire languir les Français, en nommant à tour de rôle des ministres et en satisfaisant ainsi des factions diverses, comme il a déjà débauché individuellement des personnalités venant de divers horizons. Au fond, je crois qu’il s’en moque, du moment qu’il peut continuer à exercer le pouvoir, notamment en matière de politique étrangère, celle qui lui permet de se faire mousser, malgré l’évidence que la France ne peut pas concurrencer les plus grandes puissances et que son influence est à la hauteur de son poids économique, celle d’une moyenne puissance, en léger recul. Il espère tenir comme ça jusqu’au 10 juin 2025, date à laquelle une nouvelle dissolution est possible. Mais il ne pourra pas dissoudre le peuple, dont le mécontentement risque de grandir et favoriser plus encore le Rassemblement national, au point de rendre inéluctable une alternance catastrophique.