Le prénom

Lorsque l’on appartient à une famille rendue célèbre par la notoriété d’un de ses membres, la difficulté des suivants de la nouvelle génération consiste souvent à se faire un prénom. Être « fils ou fille de » constitue un avantage au départ, qui peut se transformer rapidement en un handicap, si la personne en question peine à convaincre de son talent, qui n’est pas héréditaire. Au point que nombre d’aspirants préfèrent renoncer par avance au capital patronymique qui leur serait attribué d’office en choisissant un pseudonyme, un nom de guerre, sous lequel défendre ses propres couleurs.

Ce n’est pas le cas de Marine Le Pen, qui a conservé son nom de famille, mais s’est appliquée à se démarquer de l’héritage embarrassant de son père, pour dédiaboliser son parti et l’amener aux portes du pouvoir avec la complicité du président Emmanuel Macron. À l’inverse, sa nièce, qui s’est appelée un temps Marion Maréchal-Le Pen, a fait sauter la 2e partie de son nom, pour montrer son indépendance vis-à-vis de sa tante. Progressivement, Marine Le Pen a pris l’habitude de se faire appeler par son prénom par les militants et les sympathisants, une façon de la rendre plus proche du peuple, qui s’est étendue à Jordan Bardella, depuis que la patronne l’a adoubé comme numéro 2 du parti et futur Premier ministre en cas de victoire du Rassemblement national aux législatives. Pour les élections européennes, Marion Maréchal avait d’ailleurs fait imprimer des affiches où apparaissaient uniquement ou presque son visage et son prénom, jouant ouvertement sur la séduction. Il ne manquait que le code du minitel pour se retrouver dans les années 90.

Depuis que le prénom de Marine est automatiquement associé à un parti homophobe, xénophobe et raciste, il est devenu difficile à porter. Pourtant, une autre Marine est possible, qui redorerait le blason en l’appliquant à un projet humaniste de progrès social. C’est le cas de Marine Tondelier qui ne cesse de me surprendre depuis qu’elle a pris les rênes du parti écologiste, par sa capacité de rassemblement et un discours à la fois engagé et pragmatique. Elle a été parmi les premières à initier le processus d’union des partis de gauche et a été l’artisane de la réussite des négociations. Au moment où l’on cherche une personnalité susceptible de fédérer les composantes de ce Nouveau Front populaire, et de mettre en œuvre son programme en cas de victoire électorale, elle me parait tout à fait qualifiée pour le poste de Premier ministre. Son engagement écologiste transcende les partis et peut rallier les hésitants, qui ne voteraient pas pour Jean-Luc Mélenchon, à la personnalité clivante. Reste à en convaincre le principal intéressé, pour qu’il ne fasse pas capoter le projet, meilleur espoir d’échapper à la fois à la peste et au choléra.