Cadeau d’adieu

Les faits sont têtus. Malgré le soutien du Président de la République en personne qui s’est refusé jusqu’à l’extrême limite à désavouer son propre choix d’une ministre particulièrement gaffeuse, il a bien fallu se rendre à l’évidence de l’impossibilité pour Amélie Oudéa-Castéra de rester à son poste de ministre de l’Éducation nationale. Ceux qui voulaient la peau d’AOC qui cristallisait toutes les frustrations dans ce domaine particulièrement sensible ont finalement eu gain de cause, non sans mal, car se posait la délicate question de son remplacement. Une fois éliminée la candidature de François Bayrou, trop gourmand sur des prérogatives exorbitantes, il fallait dénicher l’oiseau rare.

Si possible une femme, connaissant le milieu scolaire, ayant une certaine expérience de la politique, plutôt étiquetée à gauche, si tant est que le concept existe toujours dans la nébuleuse macronienne, capable de diriger un ministère sous tutelle directe à la fois de Matignon et de l’Élysée sans montrer d’état d’âme. Apparemment, cela a demandé un peu de temps, comme le constate avec gourmandise l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne qui a avalé suffisamment de couleuvres en son temps pour apprécier désormais le spectacle, vu de la touche. Et le magicien sans magie présidentiel a tiré de son chapeau (roulements de tambour) l’ancienne garde des Sceaux sous Édouard Philippe, Nicole Belloubet, qui semble cocher toutes les cases. Comme son nom circulait beaucoup depuis l’éviction de François Bayrou de la liste des « nominés », l’effet « waouh ! » escompté a fait long feu. Comme dans la célèbre blague sur les cigares, la surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise.

La nouvelle équipe gouvernementale est donc en principe au complet, avec son lot encore plus étoffé qu’à l’accoutumée de parfaits inconnus au bataillon, remplaçant d’autres célèbres anonymes dont les Français n’auront pas eu le temps d’apprécier les éventuelles qualités, ignorant leur pédigrée et jusqu’à leur nom. Amélie Oudéa-Castéra pourra se vanter d’avoir battu un record, celui du plus court mandat au poste de ministre de l’Éducation, avec 28 jours d’exercice, pendant lesquels elle a accumulé provocations et maladresses, se mettant à dos toute une profession et une grande partie de l’opinion publique. Avant de partir, lors des questions au gouvernement, elle s’est même permis une ultime contre-vérité en affirmant que la réduction des effectifs dans une classe pouvait être contreproductive, car elle amoindrissait la saine émulation entre les élèves. On a envie de s’écrier : « Sors de ce corps, Jean-Michel Blanquer » alors que l’on espérait en être définitivement débarrassé. On ne peut que souhaiter bon courage à la nouvelle ministre, qui devra tenter de raccommoder les morceaux et de réconcilier la communauté éducative et le pouvoir en gérant l’héritage malsain de ses prédécesseurs. Nicole Belloubet devra tenter de gommer l’image d’alibi « de gauche » dans un ministère tenu en laisse très courte par ses supérieurs hiérarchiques.