Shocking!

Hasard du calendrier ? Coïncidence malheureuse ? Symbole des inégalités de revenu entre les citoyens français ? Rattrapage normal de l’inflation, qui touche tout le monde, quel que soit son niveau de rémunération ? Tout ça en même temps ? Peut-être, mais le timing est désastreux. C’est en pleine crise de la condition paysanne, caractérisée par une paupérisation de la profession qui pousse au suicide plus d’un agriculteur chaque jour, que l’on a appris que le bureau de l’Assemblée nationale s’était voté une augmentation de 305 euros mensuels. Ce budget supplémentaire ne concerne pas directement l’indemnité liée à la fonction de député, son salaire en quelque sorte, mais le remboursement de frais qu’il peut être amené à engager du fait de son mandat électif.

Est-ce que les députés sont correctement indemnisés ? Chacun pourra en juger. Sachant que le salaire atteint les 5 900 euros bruts, auxquels s’ajoutent 1600 euros de primes, et qu’un député dispose d’un budget de frais de mandat, qui vient précisément d’être porté de 5650 euros à 5950 euros, on pourrait considérer que les élus ne sont pas mal traités. On peut d’ailleurs arrondir ses fins de mois en percevant des indemnités pour des fonctions électives locales, plafonnées toutefois à 2900 euros mensuels. Le même type de décompte s’applique aussi aux sénateurs, qui ont, quant à eux, augmenté leur indemnité de frais de 700 euros, mi-novembre, mais en toute discrétion, et sans la moindre publicité. C’est cette opacité, et l’éparpillement des diverses indemnités qui y contribuent qui semblent problématiques. D’autant que les sommes distribuées peuvent être liées aux motifs les plus divers, y compris désormais pour la garde d’enfants, ou des passages chez le coiffeur.

Et encore, un semblant de moralisation a été introduit progressivement, avec l’interdiction d’acheter un bien immobilier, de financer un parti politique, ou évidemment de s’enrichir personnellement grâce à cet argent. De plus, des contrôles aléatoires sont supposés vérifier les dépenses engagées, et les parlementaires doivent rembourser les sommes non dépensées à la fin de l’exercice. Il n’empêche que toutes ces sommes cumulées représentent un joli pactole, sans compter les avantages en nature sur les déplacements et l’hébergement, qui placent les parlementaires très au-dessus du seuil de pauvreté sous lequel stagne un agriculteur sur quatre. Une situation choquante à laquelle bien peu de députés et de sénateurs ont eu l’air d’être sensibles. À ma connaissance, seul François Ruffin, député de la France Insoumise, a décidé de renoncer à cette augmentation pour en faire profiter une association de son département, Solidarité Paysans, dont le seul nom est tout un programme. Je ne voudrais pas cependant que le constat serve de prétexte à un antiparlementarisme viscéral, mais contribue à une clarification nécessaire, base des luttes contre les injustices sociales.