Zéro pointé

C’était donc hier après-midi que le prof constitutionnel rendait sa copie à l’élève législatif sur le texte de la loi immigration, votée aux forceps sous la pression de la droite et l’extrême droite parlementaire, farcie d’articles indigestes introduits au dernier moment pour complaire à la frange la plus réactionnaire de l’opinion. Le verdict est tombé, et le Conseil constitutionnel a biffé une grande partie des articles soumis à sa validation, une bonne trentaine sur les 86 votés par une majorité de circonstances, un attelage improbable réunissant le parti présidentiel, les Républicains et le Rassemblement national.

À l’arrivée, ne subsiste que le texte présenté par le gouvernement, aussi détestable sur la plupart de ses principes, mais délesté de certaines de ses dispositions les plus contraires à la lettre et surtout à l’esprit de la Constitution, en particulier les principes résumés par notre devise nationale de liberté, égalité, fraternité. Si j’avais été chargé de noter ce projet de loi, j’aurais considéré que ce travail n’était ni fait, ni à faire, comme le démontre le caractère hétéroclite du catalogue de mesures présentées par le gouvernement. Si l’on s’en tient au barème le plus courant dans l’éducation nationale, par lequel on retire un point par faute, le capital de vingt points se retrouverait dilapidé bien avant d’aller au bout de l’examen, et c’est l’impétrant qui serait très vite en déficit de points. Certains professeurs ne manquaient d’ailleurs pas d’appuyer là où ça fait le plus mal, en déclarant avec une fausse générosité qu’ils octroyaient un demi-point « pour l’encre et le papier ».

Si l’on revient un instant sur le fond de cette loi, dont la nécessité continue à m’échapper, les dispositions censurées par les neuf « sages » sont écartées pour la plupart parce qu’elles sont jugées « hors sujet ». Ça rappellera des souvenirs aux anciens élèves que nous sommes et qui voyaient des paragraphes entiers de leurs écrits biffés au nom de ce principe, souvent ponctué du jugement global sur la médiocrité de la production avec un implacable « des idées, mais reste confus ». Ce fiasco sonne le glas d’une possibilité de majorité de rechange, même ponctuelle, en s’alliant avec la droite dite de gouvernement, qui a tenté de « faire un coup » et se retrouve désormais comme dindon de la farce. Selon toute vraisemblance, Emmanuel Macron a laissé sciemment passer des amendements qu’il savait inconstitutionnels pour piéger Éric Ciotti et l’amener à voter cette loi, qu’il va se dépêcher de promulguer. Seul souci, ce genre de manœuvre politicienne est très visible et ne profite généralement à personne, au contraire, elle contribue à détériorer une image déjà mauvaise des gouvernants, et c’est un fusil à un seul coup.

Commentaires  

#1 jacotte86 26-01-2024 11:40
c'est un des aspects de la "stratégie" macronienne qui m'intéresse pour le billet de dimanche a lire bientôt
Citer