Paratonnerre
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 24 janvier 2024 11:04
- Écrit par Claude Séné
Vous connaissez le principe du dispositif ingénieux inventé par Benjamin Franklin en 1752 à Philadelphie. Il consiste à installer une pointe métallique au sommet d’un édifice et de le relier à la terre afin de conduire la foudre jusqu’au sol, la rendant ainsi inoffensive pour les animaux ou les humains qui se trouveraient à proximité. C’est au fond ce que Gabriel Attal a tenté de faire hier à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement posées par l’opposition. Le Premier ministre a accusé les députés qui l’interrogeaient sur les revendications des agriculteurs de « verser des larmes de crocodile » sur le sort des paysans, alors qu’ils seraient responsables de tous leurs maux, si on l’en croit.
Le Premier ministre s’en est pris à tour de rôle aux écologistes, à la France insoumise et au Rassemblement national, pour des raisons différentes ayant pour point commun de vouloir détourner l’attention de la politique menée depuis 2017 par l’ancienne majorité réduite maintenant à la portion congrue, sans détruire totalement son pouvoir de nuisance grâce à une constitution malléable. À qui Gabriel Attal espère-t-il faire croire que la condition paysanne qui s’est précarisée encore plus du fait de la politique voulue par le président Macron, serait due aux manifestations écologistes contre les projets de mégabassines telles que celle de Sainte-Soline ? et de qui se moque-t-il en tançant les opposants aux projets de fermes de taille démesurée ? Jusqu’au Rassemblement national, critiquable sur bien d’autres sujets, et de plus sérieux, qu’il accuse d’être responsable du Brexit, et donc de la crise de la pêche française par ricochet. Soyons donc sérieux quelques minutes. Pour habile qu’elle soit, cette manœuvre de diversion est surtout destinée à amuser la galerie en dirigeant la colère paysanne contre des boucs émissaires, plus qu’à convaincre les agriculteurs eux-mêmes.
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, quant à lui, pratique l’art de l’esquive avec un culot consommé en invitant les mécontents à formuler des propositions, reconnaissant implicitement que le gouvernement ne sait pas quoi faire, ni comment. Ni même avec qui. On attend toujours la nomination des ministres délégués et des secrétaires d’État alors que le Premier ministre doit présenter son discours de politique générale le 30 janvier à l’Assemblée nationale et le 31 au Sénat. La tradition républicaine voulait que la plupart du temps, cette présentation du projet gouvernemental soit suivie d’un vote de confiance à l’initiative du Premier ministre. Gabriel Attal s’en gardera bien, de peur d’être désavoué par la représentation nationale. Il faudra donc que l’opposition dépose une motion de censure pour contraindre le pouvoir à démontrer qu’il représente encore un courant d’opinions positives dans le pays. Si d’aventure la motion était votée et le gouvernement poussé à la démission, le Président pourrait encore utiliser le paratonnerre d’une opposition accusée d'irresponsabilité.