Équilibres et dosages

À peine nommé, le Premier ministre doit s’attaquer à la composition du gouvernement, et le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas une sinécure. Gabriel Attal a prévu de l’annoncer d’ici la fin de la semaine, mais même cette formulation prudente sera difficile à tenir, tant les contraintes qui lui sont imposées sont fortes. Selon les textes, c’est le président qui nomme les ministres sur proposition du Premier ministre, mais en pratique chacun sait que l’avis d’Emmanuel Macron sera décisif. Le couple exécutif va devoir résoudre un problème s’apparentant à la quadrature du cercle, en tenant compte d’exigences parfois contradictoires.

La première contrainte réside dans une répartition équitable entre les différentes composantes qui soutiennent encore la politique du Président. La plupart avaient déjà des représentants dans le gouvernement précédent, celui d’Élisabeth Borne, et certains ministres pourraient rester à leur poste, tel que Gérald Darmanin à l’Intérieur, Éric Dupont-Moretti à la Justice, Sébastien Lecornu aux armées, ou Bruno Le Maire à l’économie, tandis que d’autres pourraient changer d’attributions, ou être remplacés par des profils similaires. Il faut également respecter la parité, au moins en apparence, puisque les postes les plus importants sont toujours occupés par des hommes. En revanche, il devient presque totalement caduc d’évoquer une sensibilité de gauche ou de droite pour tenter d’entretenir le mythe d’un gouvernement équilibré, ne penchant ni à droite, et encore moins à gauche, bien entendu. Ceux qui continueront à soutenir le président sans faillir auront droit de cité et de parole, les autres pourront reprendre leur liberté, si tant est qu’ils en aient eu une. L’exemple du nouveau Premier ministre est à cet égard très révélateur.

Sous prétexte que Gabriel Attal a fait un passage furtif au Parti socialiste, et qu’il a travaillé comme scribe et conseiller auprès de Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, on dit qu’il vient de la gauche. S’il en vient, c’est clairement qu’il n’y est pas, ou plus. Et rien dans ses prises de position ne permet de lui attribuer le moindre soupçon de pensée progressiste et de justice sociale. Il fait partie de cette génération avide de pouvoir pour qui les étiquettes politiques importent peu, pas plus que les convictions, qui leur font visiblement défaut, ou dont ils peuvent changer, en fonction des circonstances. Ne resteront donc que les plus convaincus, ou les plus dociles, prêts à défendre les projets de lois les plus scélérates, sans manifester d’état d’âme ni trouble de conscience. Les profils devront aussi être scrutés à la loupe pour éviter les mauvaises surprises de scandales resurgissant du passé ou de fantômes sortant de placards mal verrouillés. Et comme d’habitude, après avoir présenté une équipe resserrée de ministres en formation « commando », on verra arriver un peu plus tard des bataillons de secrétaires d’État pour faire plaisir à tous ces futurs obligés.