L’œuf et la poule
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 14 décembre 2022 10:34
- Écrit par Claude Séné
Comme vous peut-être, je croise de plus en plus souvent la route de sangliers qui traversent sans crier gare au risque de provoquer des accidents, et des battues ont lieu assez fréquemment dans le but de « prélever » des individus, manière élégante de ne pas dire qu’on les tue, purement et simplement, au nom d’une régulation de l’espèce, jugée envahissante et qui cause des dégâts sur les exploitations agricoles. De quelques dizaines de milliers de sangliers dans les années 60, on est passé à plus d’un million de nos jours, et ce serait tout sauf un hasard.
Difficile de démêler ce qui, dans cette extension de la population de sangliers, relève d’une sorte de fatalité et ce qui a été organisé pour permettre de pérenniser une forme de chasse très prisée des amateurs. La meilleure preuve en est que ce sont les fédérations de chasse qui doivent indemniser les agriculteurs en cas de dommages causés par les sangliers. Elles déboursent ainsi 20 à 30 millions par an, pour conserver, voire augmenter, le cheptel d’animaux sauvages destinés à servir de cibles vivantes pour une chasse dite sportive. La cruauté des battues est certes un cran en dessous de celles qui consistent à forcer un cerf, mais elle arrive juste en deuxième position. Et puis une chasse à courre est très coûteuse et réservée à une poignée de privilégiés oisifs. Sans compter que le gibier « sauvage » se fait rare. Quand on voit les faisans d’élevage se faire tirer, à peine lâchés dans une nature inconnue, on a peine à croire au simulacre d’une chasse destinée à se nourrir ou à se défendre contre des ersatz de fauves.
Les sangliers sont aujourd’hui parmi les seuls animaux chassables susceptibles de donner aux chasseurs les sensations qu’ils recherchent. Pas étonnant que leurs fédérations s’appliquent à ne pas épuiser la ressource, qui leur permet de subsister et de drainer des adhérents. Le sanglier aurait ainsi contribué à sauver la chasse. Il est probable d’ailleurs que le sanglier d’aujourd’hui n’est pas identique à celui dont se régalait Obélix au temps des Gaulois. En effet, des croisements ont été pratiqués en élevage entre sangliers et porcs domestiques, et des spécimens relâchés dans la nature pour soutenir l’espèce. Contrairement aux apparences, le prédateur naturel du sanglier n’est donc pas le chasseur. Si le but était de réduire le nombre de ces animaux sauvages, jusqu’à en faire un élément ordinaire de l’écosystème, comme on a pu le faire pour d’autres espèces, on s’y prendrait autrement. Le piégeage et la stérilisation d’un certain nombre d’individus, la protection de certaines cultures, comme le maïs, dont raffolent les sangliers, seraient des outils pour aller dans ce sens. Malheureusement, les sangliers ne votent pas, contrairement aux chasseurs, dont le poids électoral n’est pas négligeable.