Irresponsable, mais pas coupable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 25 novembre 2022 10:52
- Écrit par Claude Séné
C’est en substance la conclusion à laquelle nous invite Emmanuel Macron à propos du rebondissement des affaires qui entourent ses liens avec le cabinet de conseil américain Mc Kinsey. Le parquet national financier vient de rendre publique dans un communiqué l’ouverture, fin octobre dernier, de deux informations judiciaires concernant les campagnes électorales du président en 2017 et 2022 à la suite de plaintes émanant de particuliers et d’une commission sénatoriale. Le cabinet de conseil pourrait avoir bénéficié de favoritisme dans l’obtention ultérieure de contrats lucratifs pour le compte du pouvoir exécutif, et n’aurait payé aucun impôt en France depuis presque 10 ans malgré un chiffre d’affaires important.
L’Élysée s’est contenté de souhaiter une enquête « indépendante », une manière subliminale de suggérer que les accusations visant le président seraient fallacieuses, ce que rien n’étaie. Précédemment, il avait déjà défié l’opposition qu’il soupçonne d’être à l’origine de ces investigations, en leur suggérant « d’aller au pénal » s’il existe des preuves de manipulation, une façon qui se veut habile d’utiliser la présomption d’innocence. Une stratégie déjà utilisée pour défendre Alexandre Bénalla, où il lançait : « qu’ils viennent me chercher ! » Un panache facile quand on se rappelle que le président de la République est protégé par son immunité dans l’exercice de ses fonctions. Ce sera évidemment difficile de prouver qu’il y a eu collusion entre le clan du candidat à la présidentielle et le cabinet américain, dans le but d’en tirer avantage. Il est cependant troublant de constater que des interventions de collaborateurs de Mc Kinsey n’apparaissent pas dans les comptes de campagne du candidat. Faut-il supposer qu’ils étaient bénévoles ou que le cabinet travaillait alors gratuitement, sans espoir de contrepartie ? Cela mérite pour le moins d’être éclairci.
En dehors de manœuvres éventuellement frauduleuses, il est aussi reproché à Emmanuel Macron d’avoir recours systématiquement au secteur privé pour mener des enquêtes ou engager des actions qui pourraient relever de l’action publique, une manière de disqualifier les fonctionnaires et de justifier ainsi la diminution de leur nombre et de leur activité. Si encore le recours massif aux divers cabinets de conseil se traduisait par une meilleure efficacité, on pourrait le comprendre, mais c’est loin d’être avéré, comme le démontre l’analyse de la cellule investigation de Radio-France. En 2021, les contrats passés entre l’état et ces cabinets ont atteint le chiffre record d’un milliard d’euros, deux fois plus qu’en 2018. Nous ne sommes peut-être pas au bout de nos surprises avec cette affaire, qui pourrait durer et rebondir jusqu’au terme du mandat présidentiel en 2027. D’une part, parce que l’enquête, qui a déjà donné lieu à une perquisition dans les locaux français de Mc Kinsey, pourrait s’étendre et les langues se délier avec le temps, et d’autre part parce que les juges chargés de l’affaire auront le droit d’entendre le président à l’issue de son mandat.
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