De l’arbitre à l’arbitraire

C’est une affaire entendue. La France est un pays de droit, une démocratie régie par des lois connues de tous, un état qui garantit les libertés individuelles et collectives. Dans ce cadre général, il est difficile de comprendre comment il se fait qu’une manifestation telle que celle qui était organisée ce week-end dans les Deux-Sèvres pour protester contre un projet de construction d’une « bassine », contesté par les écologistes depuis de nombreux mois, puisse être interdite. Contrairement au droit de grève, le droit de manifester n’est pas inscrit dans la Constitution. Ce qui le fragilise, bien qu’on puisse constater que le droit de grève lui-même fait l’objet d’attaques régulières du pouvoir en place.

Il trouve cependant ses fondements juridiques dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, excusez du peu, qui stipule dans son article 11 que la libre communication des pensées et des opinions est un droit fondamental, confirmé par le Conseil Constitutionnel en 2019. Fort bien. Mais qu’est-ce qu’un droit sans garanties de ses conditions d’application ? Car le législateur a aussi pris soin de prévoir des dispositions qui entravent cette liberté fondamentale. Les manifestations doivent être déclarées à l’avance, et peuvent être interdites, si l’autorité compétente estime qu’il y a un risque de trouble à l’ordre public. Une définition suffisamment floue pour interdire, le cas échéant, toutes les manifestations de quelques natures qu’elles soient. Une fois interdite, la participation à une manifestation devient un délit passible d’une amende de 7500 euros et de 6 mois d’emprisonnement alors même que la personne serait parfaitement pacifique et non-violente. La manifestation de Sainte-Soline a donc été interdite par la préfète des Deux-Sèvres, au motif qu’elle était susceptible d’être infiltrée par des personnes fichées « S », dont je rappelle qu’elles sont surveillées, mais pas convaincues d’actions répréhensibles, et de blacks blocs qui ont tendance à se mêler de la plupart des causes pour tenter de faire dégénérer les actions dans la violence.

Pour jeter le discrédit sur l’action projetée par les écologistes, le ministre de l’Intérieur n’a pas hésité à utiliser un néologisme purement abusif en qualifiant une manifestation, à l’origine non violente, d’éco terrorisme. Une notion inventée de toutes pièces qui semble viser à pouvoir utiliser l’arsenal répressif de la lutte contre le terrorisme pour justifier par avance l’usage d’une juridiction d’exception et les restrictions des libertés individuelles. Une manière également de motiver le déploiement intensif de forces de police et de gendarmerie, dans le but de maintenir « l’ordre républicain », en l’occurrence sauver un pauvre bout de canalisation, seule cible apparente de dégradation du site. Soyons clairs. Après les gilets jaunes et les Zadistes de Notre Dame des Landes, le pouvoir a peur d’un nouvel abcès de fixation qui démontrerait son impuissance devant une fraction de l’opinion quand elle est déterminée. Et il n’a pas tort de s’inquiéter.

Commentaires  

#1 jacotte86 31-10-2022 11:38
encore un caillou dans la chaussure de jupiter...et j'espère qu'il y en aura d'autres!!
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