Poutine et le chaudron
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 25 juillet 2022 10:36
- Écrit par Claude Séné
À peine l’encre de l’accord entre la Russie et l’Ukraine sur l’exportation de blé et de céréales était-elle sèche, que Kiev dénonçait les frappes de missiles russes sur le port d’Odessa, là d’où, précisément devraient partir prochainement les convois maritimes pour acheminer les stocks à destination principalement des pays d’Afrique de l’Ouest. L’Ukraine a immédiatement accusé la Russie de Vladimir Poutine de « cracher au visage » de l’ONU et de la Turquie, qui avaient permis d’aboutir à ce compromis. Les Russes ont commencé par nier énergiquement toute attaque contre le port d’Odessa, insinuant qu’il s’agissait d’un montage mis en scène par les Ukrainiens eux-mêmes.
Cependant, dès le lendemain, les autorités russes reconnaissaient les tirs, mais affirmaient avoir ciblé des objectifs purement militaires, ce dont il est sérieusement permis de douter. Cette contradiction aussi rapide a évoqué pour moi une anecdote rapportée par Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, dans deux de ses ouvrages. Dans cette histoire, imaginaire, il est question d’un personnage, A, qui a emprunté à un autre homme, B, un chaudron de cuivre. Et quand il le lui rend, le chaudron présente un grand trou, qui le rend inutilisable. Pour sa défense, l’emprunteur avance les arguments suivants : premièrement, je n’ai jamais emprunté de chaudron à B, deuxièmement, le chaudron était déjà percé quand il me l’a donné et troisièmement, je lui ai rendu son chaudron intact. Freud lui-même souligne l’impossibilité de soutenir ces arguments en même temps, puisqu’ils s’excluent mutuellement, et il en fait une des bases de sa théorie psychanalytique, comme une caractéristique de l’inconscient, à l’œuvre dans les rêves, par exemple, et qui s’affranchit du principe de non-contradiction, auquel nous sommes renvoyés inéluctablement dans la vie consciente.
Vladimir Poutine est coutumier du fait. Quand ses troupes ont occupé des villes proches de la capitale ukrainienne, et qu’elles se sont livrées à des crimes de guerre, comme à Boutcha, la propagande russe a tenté de retourner les responsabilités en accusant les Ukrainiens d’avoir mis en scène de toutes pièces les exactions, voire d’avoir embauché des figurants pour faire croire à des frappes imaginaires, pour ensuite accuser les troupes ukrainiennes elles-mêmes, et tenter de faire disparaitre les preuves de leurs méfaits. De même, l’artillerie russe n’a jamais cessé de frapper des quartiers résidentiels, ou des centres commerciaux, en prétendant qu’il s’agissait de cibles militaires. Toute cette guerre, en réalité, n’est que l’expression d’une force aveugle, similaire à celle de l’inconscient, qui ne cherche qu’à s’assouvir, sans considération du respect d’autrui et de ses aspirations légitimes. Vladimir Poutine semble dépourvu de toute forme de « surmoi », cette instance psychique qui permet de canaliser et de mettre à distance ses pulsions, au nom de normes et de valeurs communément admises dans les sociétés civilisées.
Commentaires