Autocrates de tous les pays…

Unissez-vous ! C’est aujourd’hui que devrait être signé à Istanbul un protocole d’accord entre la Russie et l’Ukraine, malgré la guerre qui oppose les deux pays de façon ouverte depuis plusieurs mois et larvée depuis plusieurs années, permettant l’exportation du blé ukrainien, pour l’instant bloqué dans les ports de la mer Noire. Cet accord, sous l’égide du secrétaire de l’Organisation des Nations unies, a été rendu possible par une rencontre préalable entre Vladimir Poutine, pour la Russie, Recep Tayyip Erdogan pour la Turquie, et Ebrahim Raïssi pour l’Iran. Les trois dirigeants se sont, semble-t-il, mis d’accord sur leurs rôles respectifs dans les conflits en cours et sur l’évolution souhaitée en Syrie.

Nous avons tendance à penser que la Russie de Wladimir Poutine est isolée sur la scène internationale, car elle serait identifiée comme l’agresseur dans le conflit et l’envahissement de l’Ukraine. Ce serait méconnaître le poids de l’économie et de la realpolitik qui influence les positions des états, en particulier quand ils sont peu démocratiques. On peut légitimement se demander quels sont les buts de la Turquie dans la région, qui profite de sa situation géographique privilégiée sur les détroits pour défendre ses propres intérêts, sans se soucier outre mesure de la solidarité que devrait imposer son appartenance à l’OTAN. Erdogan négocie directement avec Poutine, et se permet même de faire du chantage en conditionnant l’accord de la Turquie à l’élargissement de l’OTAN à la Finlande et à la Suède à des mesures contre le PKK, le parti autonomiste kurde, qu’il considère comme terroriste.

De même, Poutine, qui s’est déjà assuré de la neutralité bienveillante de la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité, grâce à laquelle la Russie ne risque aucune condamnation internationale contraignante, peut compter sur la coalition des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) pour s’assurer des débouchés commerciaux pérennes. La crise du blé et des céréales lui a permis également de se poser en partenaire incontournable des pays d’Afrique, voire de sauveur pour éviter une pénurie mondiale et des famines insurmontables. Une des caractéristiques communes de ces grands états c’est évidemment de faire peu de cas des droits de l’homme et d’être dirigés de façon autoritaire par un homme, ou un petit groupe, représentant des intérêts communs, prêts à réprimer la moindre tentative de contestation. Ils forment ensemble une sorte d’internationale de la tyrannie, plus puissante que les démocraties qui tenteraient de s’y opposer, parce qu’elle ne s’embarrasse pas de scrupules. Leur unique faiblesse réside dans l’éventualité d’une révolte populaire qui réussirait, comme à Maïdan en 2014 ou Tien An Men en 1989.