Représentative, cette démocratie ?

Sommes-nous encore en démocratie ? Avec les résultats de ce premier tour des élections législatives, formellement, oui. Les citoyens qui le désiraient ont pu voter, et l’on n’entend pas parler de fraude électorale qui entacherait le résultat de cette consultation. Le premier souci, c’est que, tout comme il y a cinq ans, moins de la moitié des électeurs inscrits se sont déplacés pour exprimer leur soutien à un candidat. Le sentiment recueilli auprès de ces abstentionnistes est marqué par l’impression de l’inutilité de leur vote. Ils expriment la défiance et la déception à l’égard des politiques, dont ils n’attendent plus rien.

Pas de fraude avérée donc, mais un ultime tripatouillage du ministère de l’Intérieur pour faire apparaître artificiellement la coalition de la majorité présidentielle légèrement en tête en nombre de voix devant l’union de l’opposition de gauche. Cette petite mesquinerie qui classe dans les « divers gauche » des candidats soutenus par la NUPES tente de masquer un recul net du parti présidentiel. Toutefois, le problème est ailleurs, dans le mode de scrutin proprement dit. Grâce à un découpage savant des circonscriptions, le parti présidentiel pourrait conserver une majorité, sinon absolue, mais relative, tandis que l’opposition avec un score très proche, sinon meilleur, devrait se contenter d’une centaine de députés de moins. Du moins si les instituts de sondage ne se trompent pas. Autant les prévisions en pourcentages de voix sont relativement fiables, autant les projections en sièges sont, de l’aveu même de ceux qui les réalisent, sujettes à caution comme le montre l’étendue des « fourchettes » proches de véritables « râteaux ».

Lorsqu’il était candidat, le président de la République avait évoqué la possibilité d’introduire de la proportionnelle dans ces élections. Il a eu 5 ans pour le faire, et il s’en est bien gardé. On comprend pourquoi. Cela reviendrait à scier la branche à laquelle il se raccroche. Lui-même n’a été élu, et les deux fois, que grâce au rejet de l’extrême droite. Le système permet, et même oblige, à choisir un candidat minoritaire, pour en faire le représentant de tous les Français, bon gré, mal gré. Et l’on s’étonne de la désaffection des électeurs. Le paradoxe de cette situation, c’est que ce sont les électeurs du Rassemblement national et dans une moindre mesure des Républicains, qui vont être les arbitres du second tour. Dans la plupart des circonscriptions, leurs idées ne seront plus représentées, et nul ne sait ce qu’ils décideront, peut-être pas eux-mêmes. L’autre clé de l’élection, c’est ce que feront les jeunes qui ne se sont pas déplacés hier. Ce sont les classes d’âge de 18 à 34 ans qui se sont le plus abstenues, autour de 70 %, et aussi eux qui sont les plus proches des thèses de la NUPES, environ 40 % contre 25 % dans la population générale. Et s’ils se décidaient à aller voter ?