Attaque par force brute
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 30 mai 2022 10:50
- Écrit par Claude Séné
L’expression provient du monde de la cryptographie, quand il s’agit de trouver un mot de passe ou une clé qui permet d’accéder à un contenu dont le propriétaire légitime souhaiterait conserver le secret. L’exemple typique est de nos jours le mot de passe qui protège notre carte bancaire ou l’accès à notre messagerie. Dans mon enfance, on utilisait fréquemment des antivols pour les vélos qui se commandaient par un mécanisme de roues dentées formant une combinaison de chiffres, qu’il fallait remettre dans un certain ordre. Immanquablement, il nous arrivait d’oublier la combinaison et l’antivol devenait inutilisable.
La seule solution était alors de tester les combinaisons une par une, soit un nombre conséquent d’essais et d’erreurs pour trois ou quatre chiffres. Une méthode permettait parfois d’obtenir le résultat plus rapidement en faisant rouler les molettes sur une ceinture pour accélérer le processus. De nos jours, l’utilisation de l’informatique a permis de démultiplier les calculs, et leur puissance est telle que l’on recommande d’utiliser des mots de passe de plus en plus complexes, très difficiles à percer, mais aussi à mémoriser pour l’utilisateur. Pourquoi est-ce que je vous parle de ça ? J’ai l’impression que l’armée russe a renoncé à toute finesse dans sa guerre contre l’Ukraine et qu’elle a opté définitivement pour une attaque que je qualifierai de force brute, un peu sur le modèle de Marioupol, où c’est principalement l’artillerie qui est à la manœuvre. Il ne s’agit même pas de conquérir des villes ou de tuer les ennemis, ce qui arrive de surcroît, mais de raser les bâtiments, les rendre inutilisables et d’avancer sur des terres brûlées volontairement pour en chasser les habitants. L’avancée des troupes russes en est nécessairement très lente, mais régulière.
J’en vois pour preuve l’inflexion dans le discours du président ukrainien, qui s’est fait plus alarmiste. Il dénonce de nouveau les exactions de la Russie, et s’est rendu pour la première fois à proximité de la ligne de front dans la région de Kharkiv pour galvaniser les troupes, probablement épuisées par une campagne de plus de trois mois. Le code a changé. Volodymyr Zelenski ne parle plus autant de victoire, mais admet de grandes difficultés sur l’est du pays, et semble évoquer la possibilité de négociations, tout en réclamant encore et toujours le soutien des Occidentaux et l’arrêt du commerce avec la Russie. Du côté russe, seul le résultat compte. Poutine a besoin d’une victoire, réelle ou affichée, qui se traduise par une reconnaissance de fait de l’annexion d’un territoire le plus étendu possible dans la région du Donbass élargi, comme pour la Crimée. Il pourra alors négocier un arrêt provisoire des hostilités, le temps nécessaire à reconstituer ses forces dans le but de reconquérir les terres de la Russie impériale. Une telle force brute ne peut être arrêtée que par une force opposée équivalente.