La faute à l’informatique

L’a-t-on assez entendue cette bonne excuse pour justifier tout ce qui pouvait aller de travers aussi bien dans les entreprises que dans le service public ? Si vous attendiez deux semaines ce qui aurait pu demander deux jours, c’était inévitablement dû au traitement informatisé d’une procédure autrefois manuelle. Alors quand le site internet du gouvernement a publié par erreur l’annonce de la démission du Premier ministre samedi dernier avant de retirer précipitamment la page fautive, le coupable n’a pas été long à être désigné. Matignon a aussitôt fait savoir qu’il s’agissait de « problèmes techniques » et que le remaniement devrait encore attendre, jusqu’à une date indéterminée.

Comme souvent, l’informatique a bon dos, mais l’argument finit par faire long feu. Le mystère entourant le fonctionnement de ces drôles de machines que sont les ordinateurs s’est peu à peu dissipé. Les citoyens ont été forcés de s’y accoutumer dans leur vie personnelle comme professionnelle, et si tout le monde ne maitrise pas parfaitement l’outil informatique, il est devenu plus familier à la plupart des gens. Il a été dépouillé de son caractère « magique » et par là même ne peut plus être soupçonné de mener une vie autonome qui le conduirait à des comportements erratiques au détriment de ses utilisateurs. Il existe d’ailleurs une règle frappée au coin du bon sens qui veut que la source principale des erreurs en informatique se situe entre la chaise et l’écran, c’est-à-dire au niveau de l’utilisateur. La thèse de l’ordinateur fou, voire malveillant, n’est plus guère de mise, et c’est l’usager qui est identifié comme « le maillon faible ».

Visiblement, dans les sphères du pouvoir, quelqu’un a commis une erreur en annonçant prématurément une décision qui ne saurait de toute façon être retardée indéfiniment. Comme les nécrologies, qui sont prêtes à tout hasard dans les journaux pour les personnalités les plus en vue et qu’il suffit de mettre à jour le moment venu, la démission de Jean Castex, qu’il a lui-même souhaitée depuis un moment, est un secret de Polichinelle et tourne à un feuilleton qui ne passionne pas les Français. L’intérêt se porte sur le ou la remplaçante qui tarde à être dévoilée par le président de la République pour des raisons obscures qui ne contribueront pas à lui donner une stature de femme d’état si c’est bien une femme qui est nommée ni à assoir son autorité. À ce train-là, Emmanuel Macron va pouvoir occuper le terrain, enfin, amuser la galerie, jusqu’au premier tour des élections législatives, avec la constitution du nouveau gouvernement qui devra répondre à des équilibres politiques délicats et être vérifié minutieusement pour éviter de nommer des personnalités qui pourraient être contestées comme c’est régulièrement le cas. Tout ça pour être éventuellement obligé de revoir sa copie en fonction du résultat des élections. Et l’informatique n’aura rien à y voir !