L’unanimité contre soi

Saurons-nous un jour ce qui est vraiment arrivé à Shireen Abu Akleh, cette journaliste de la chaîne Al Jazeera tuée en Cisjordanie alors qu’elle couvrait une opération israélienne contre de supposés terroristes dans un camp de réfugiés à Jénine ? Selon certains témoins, la journaliste, qui était équipée d’un casque et d’un gilet pare-balle indiquant clairement qu’elle faisait partie de la presse, aurait été abattue sciemment par des tireurs israéliens, visant volontairement le visage. De son côté, et sans plus d’informations, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a rejeté la faute sur des Palestiniens armés tirant sans discernement, avant d’admettre qu’il fallait une enquête pour déterminer les circonstances exactes de cette mort.

L’émotion était déjà très vive à Jérusalem, ainsi que dans tous les territoires concernés par le conflit israélo-palestinien et les chancelleries du monde entier, mais les autorités israéliennes ont passé les bornes en réprimant très brutalement les manifestations spontanées qui ont accompagné les cérémonies des funérailles de la journaliste très populaire et respectée. Des bousculades ont failli faire tomber le cercueil, porté à bouts de bras selon la tradition. La répression violente de la police israélienne a causé 33 blessés et n’a fait qu’aggraver le climat de tension extrême le long du convoi funèbre, entraînant une condamnation unanime. Qu’on en juge : l’Union européenne s’est déclarée « consternée », la Maison-Blanche, soutien traditionnel et indéfectible de son allié israélien, est « profondément troublée » par les violences inutiles et disproportionnées. De son côté, le conseil de sécurité de l’ONU, dans lequel siègent, il faut le rappeler, la Russie et la Chine, a condamné fermement et à l’unanimité, le meurtre de la journaliste, sans toutefois faire mention des violences entourant ses funérailles.

Ce nouvel incident fait suite à la résurgence de la lutte incessante que se livrent Israéliens et Palestiniens, alimentée par les implantations constantes de nouvelles colonies, le grignotage des terrains laissés aux Palestiniens et le harcèlement permanent des populations soumises à des contrôles et des restrictions de déplacement, tandis que les actes anti-israéliens et les attaques à l’arme blanche ressurgissent régulièrement. Le départ de Benyamin Netanyahu, considéré comme un obstacle à une recherche de la paix entre Israël et ses voisins, n’a pas permis pour le moment de relancer un processus à l’arrêt depuis trop longtemps. Israël est dirigé par une coalition fragile composée de partis antagonistes, tandis que l’Autorité palestinienne n’a jamais moins mérité son appellation. Cette mort tragique et la vague d’émotion qu’elle a suscitée pourraient être le début d’une prise de conscience de la nécessité d’une solution négociée dans un conflit qui n’a que trop duré. Les instances internationales ont les moyens de l’imposer, si la volonté politique est présente. Le monde ne peut sans doute pas se permettre de continuer cet affrontement plus longtemps, alors que la situation en Ukraine est ce qu’elle est. Ce serait bien le seul avantage collatéral de cette guerre.

Commentaires  

#1 jacotte44 14-05-2022 11:18
un train en cache un autre...que dis je ..des autres
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