Le coût du filet
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 20 avril 2015 10:47
- Écrit par Claude Séné
Je ne veux pas vous entretenir ici du prix de la viande, qui mériterait sans doute que l’on s’y attarde un peu, mais du projet de loi gouvernemental sur la sécurité intérieure, qui se débat en ce moment à l’Assemblée dans une procédure accélérée, sous prétexte que cela ferait dix ans que les services planchent sur ses dispositions et qu’elles feraient l’objet d’un vaste consensus. Précisément, quelques semaines de plus ou de moins ne feront pas la différence : si ces dispositions étaient tellement urgentes, que ne les a-t-on pas proposées plus tôt ?
On pourrait résumer le dispositif de surveillance du territoire en prenant l’image d’un filet, dont les mailles étaient tellement distendues qu’elles laissaient échapper petits et gros poissons. C’est ainsi que l’on expliquait que des personnes ayant prouvé par la suite leur dangerosité, comme Mohammed Merah, les frères Kouachi ou Amedy Coulibaly aient pu préparer leurs attentats en toute impunité. L’idée serait donc de se doter d’un filet tout neuf avec des mailles rétrécies de manière à retenir tout ce qui bouge, y compris la friture et la godaille. Un tel filet implique la présence et l’emploi de nombreux fonctionnaires, si l’on se réfère à de funestes précédents comme celui de la Stasi en RDA, et aura donc nécessairement un coût élevé d’un point de vue financier. Le prix à payer pourrait être bien plus élevé encore en matière de restriction des libertés individuelles. Évidemment, les Français, habilement questionnés, ne peuvent qu’approuver un renforcement de leur sécurité, fut-ce au détriment de la protection de leur vie privée. Allez assumer une opinion où vous feriez passer votre confort personnel avant le bien commun !
Mais la question est biaisée. Les libertés individuelles seront à coup sûr restreintes, mais rien ne garantit que la nouvelle loi permette d’empêcher de nouveaux attentats. L’expérience nous a montré que les terroristes cités plus haut avaient été connus des services à un moment, mais pas repérés comme dangereux. Et c’est là tout le problème. Le filet tout neuf nous ramènera une masse d’informations qu’il faudra trier, soupeser, évaluer, analyser, sans plus de garantie d’efficacité que par le passé. Cela me fait penser à ce que disait Madame de Sévigné du préservatif, du temps où il était encore rudimentaire : « une cuirasse contre le plaisir, une toile d’araignée contre le danger ».