Savoir terminer une grève

Le conflit social à Radio France s’est donc achevé après la grève la plus longue de son histoire, 28 jours pendant lesquels les antennes du groupe ont été largement perturbées. Comme chaque fois qu’un arrêt de travail dure, les partisans du retour à l’ordre ne manquent pas de citer la phrase célèbre de Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, en juin 1936 : « il faut savoir terminer une grève, en oubliant généralement la fin de la phrase, pourtant essentielle, dès que satisfaction a été obtenue ».

J’ai entendu ce refrain en 1968, quand les syndicats ont jugé qu’il était nécessaire d’arrêter les frais, alors que la jeunesse était très loin d’avoir obtenu satisfaction, mais que les partis politiques avaient échoué à relayer le mécontentement populaire et à  cueillir le pouvoir, qui était prêt à tomber comme un fruit mûr. Je me souviens que mon propre syndicat enseignant avait prétendu avoir pris la température de la base pour prendre la décision d’appeler à la reprise du travail et que je m’étais fait la remarque que le thermomètre devait être minuscule parce que je n’avais rien senti, si ce n’est la sensation de me faire avoir dans les grandes largeurs.

Le plus paradoxal dans cette grève concernant un des moyens d’information les plus prisés des Français, c’est que les motifs de cet arrêt de travail ont été très peu expliqués à l’antenne. Le communiqué diffusé en boucle restait dans un flou assez incompréhensible pour un auditeur de base comme moi, surtout mal réveillé avec le passage à l’heure d’été. La politique budgétaire et les conditions de travail sont des notions bien vagues, qui auraient mérité quelques éclaircissements. La direction a refusé d’organiser des débats publics sur le sujet, se réservant de le faire après le conflit, comme en témoigne une émission du Téléphone sonne hier sur France Inter. C’est un peu court, et un peu tard.

Je sais bien qu’une fraction de l’opinion aurait hurlé à la prise d’otage, ce dont elle ne s’est pas privée pour autant, mais la seule façon de faire connaitre leur position aux auditeurs aurait été pour les grévistes de s’emparer de l’antenne et d’organiser eux-mêmes le débat. Une grève avec occupation en quelque sorte. Après tout, les Jeannettes ont pu fabriquer et vendre leurs biscuits un certain temps de cette manière. La grève est terminée, mais le conflit est loin d’être réglé.