Trop peu trop tard

C’est déjà le constat que l’on avait pu faire au cœur de la crise des gilets jaunes : un gouvernement incapable de prendre la mesure d’un mouvement social, de le prendre au sérieux et de mettre sur la table des solutions répondant réellement aux demandes des protestataires, assorties d’un financement à la hauteur de la situation. Dans le cas des gilets jaunes, faute d’avoir répondu aux demandes, le pouvoir va « lâcher » finalement 17 milliards, tout en ne répondant absolument pas aux revendications et en se retrouvant donc dans la même impasse.

Devant la crise des urgences qui s’éternise, la ministre de la Santé commet la même erreur. Après avoir promis une prime aux urgentistes qui n’était absolument pas de nature à régler le problème, Agnès Buzyn remet ça avec un plan de mesures notoirement insuffisantes. Pour gonfler les chiffres, elle annonce 750 millions, mais sur trois ans, soit 250 millions par an. Le budget de la santé en France se monte à 200 milliards par an. C’est donc une goutte d’eau à l’échelle des besoins. Sans rentrer dans les détails, on voit bien que toute la stratégie est basée sur la dissuasion : il s’agit d’empêcher la population d’accéder à ce service, coûte que coûte, alors que d’ores et déjà les patients sont là et qu’il faudrait embaucher du personnel pour les accueillir correctement. Les effets du plan Buzyn, s’il fonctionne, mettront des années à se faire sentir. Et en attendant, qu’est-ce qu’on fait ? On continue à laisser des malades sur des brancards dans des couloirs surchargés ? On attend que le personnel démotivé démissionne ou tombe malade à son tour, pour un salaire sous-évalué ?

Soyons sérieux. Écoutons les personnels : infirmiers, médecins, aides-soignants. Ils tirent la sonnette d’alarme depuis trop longtemps, tout en continuant à prendre soin de nous avec un courage admirable, mais cela ne saurait durer éternellement. Il ne s’agit pas seulement des urgences, mais aussi de l’hôpital et de l’organisation de la Santé dans notre pays. Si l’on suggère de faire hospitaliser les vieillards malades en service de médecine sans transiter par les urgences, pourquoi pas ! Encore faut-il qu’il y ait suffisamment de lits, ce que la ministre rechigne explicitement à admettre. Si la médecine de ville, ou de proximité, peut s’occuper d’un certain nombre de cas bénins, fort bien ! Il faudra dans ce cas résorber les déserts médicaux. Le chantier est immense, il ne date pas d’hier, c’est une affaire entendue, mais il ne se résoudra pas avec des bouts de ficelle. Il faut changer de logique et arrêter de mettre l’économie au centre des préoccupations, au profit de la bonne santé des Français. L’argent, il existe, et c’est le travail des politiques de le dépenser intelligemment.