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Jamais deux sans trois…
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 29 juillet 2018 09:38
- Écrit par L'invitée du dimanche
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Toujours sur la piste des héroïnes de Molière, je n’ai pas suivi la chronologie de la création de ses différentes comédies, désireuse de donner la priorité aux femmes qui me paraissaient exprimer le mieux son « féminisme » avant l’heure.
C’est ainsi qu’après Agnès dans « l’École des Femmes » en 1663, puis Philaminte, Henriette, Bélise et Armande des « Femmes savantes » écrites en 1672, viennent se glisser les héroïnes du « Misanthrope » écrit en 1666, car un peu moins illustratives de la position de Molière par rapport aux femmes, mais n’en restant pas moins importantes pour autant.
Bien que le personnage principal soit Alceste, cet amoureux atrabilaire, qui déteste les hommes et le genre humain, Célimène, son amante, dont Molière trace un portrait tout en nuances, y tient une grande place. Il nous la dépeint comme une coquette, qui aime être courtisée, admirée, appréciée, et qui s’amuse des ardeurs de ses soupirants que pourtant elle sollicite sans arrêt. D’ailleurs à force de les critiquer et de les mépriser, elle les perdra un à un et se retrouvera seule, rejetée par cette société dont elle a tant besoin. Son autre facette, c’est la femme brillante, intelligente, spirituelle à l’esprit indépendant et libre. Comme la plupart des héroïnes des comédies précédentes, elle trouve important de ne pas suivre la règle sociale du mariage, elle a le droit de choisir qui elle veut… mais sa faiblesse c’est sa difficulté à faire ce choix, entre Alceste et Oronte, qui l’amène à demander de l’aide à Eliante, sa cousine.
Eliante, justement, présente le visage souriant de la vertu et de la modération. Elle a beaucoup moins de succès que Célimène, mais fait preuve de beaucoup plus de maturité et de sagesse, elle est loyale, elle ne profite jamais de sa situation auprès d’Alceste pour dénigrer sa cousine. Elle sait ce qu’elle veut, si elle répond à la flamme de Philinte c’est de sa propre volonté. C’est un peu un autre visage de l’Henriette des Femmes savantes, elle a toute la sympathie de Molière.
La troisième femme c’est Arsinoé, jalouse de la jeunesse et la beauté de Célimène, elle se prétend son amie. Derrière une pruderie et une dévotion excessive, se cache une hypocrisie et une frustration qui dissimule mal ses envies. Elle aura beaucoup de mal à dominer son adversaire, capable elle-même de faire preuve d’autant d’hypocrisie, de cruauté et de méchanceté à son égard. (La scène quatre de l’acte trois est un morceau de bravoure sur le duel entre les deux femmes).
Ce qui ressort de la peinture de ces trois personnages, que Molière dessine avec beaucoup de tendresse mais aussi beaucoup de lucidité, c’est que chacune est individualiste dans sa quête pour s’élever et ne connaît pas la solidarité féminine.
Une fois de plus Molière s’interroge sur le rôle des femmes, leurs droits et leurs devoirs, partagées entre la vie culturelle et la vie familiale, exprimant toujours et encore le refus des rôles et attitudes correctes de la société, et recherchant l’équité. Son expérience conjugale avec Armande Béjart, pour laquelle il a écrit le rôle de Célimène a sûrement nourri ses réflexions.
L’invitée du dimanche