L’esprit de famille
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 5 juin 2018 10:40
- Écrit par Claude Séné
Familles, je ne vous hais point. S’inspirant à la fois de Pierre Corneille et d’André Gide, cette phrase pourrait servir de devise au blason d’Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l’Élysée, homme de confiance du président de la République. On soupçonne en effet le haut fonctionnaire d’avoir eu par le passé les yeux de Chimène à l’égard de la société MSC, un des principaux clients des chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, qui leur a commandé plusieurs bateaux de croisière. Il se trouve que MSC a été fondée par la famille Aponte, dont Rafaela est la cousine germaine de la mère d’Alexis Kohler.
Bon, allez-vous me dire, on ne choisit pas sa famille, il faut bien naître quelque part, n’est-ce pas Maxime Le Forestier ? Une famille aisée qui peut vous mettre le pied à l’étrier, ça ne nuit pas, non ? Le jeune et brillant énarque va en effet rejoindre en 2010 le club assez fermé des administrateurs de la société STX à qui appartiennent les chantiers de construction navale. Il y représente les intérêts de l’état français, et l’on se demande à présent s’il n’y aurait pas aussi défendu les intérêts de ses cousins italiens. Tel l’Arlequin de Goldoni, n’aurait-il pas eu le redoutable privilège de devoir être le serviteur de deux maîtres ? En bon français, cela s’appelle un conflit d’intérêts, et la raison, autant que la loi, commande d’éviter de se mettre en une telle situation. D’autant que l’histoire ne s’arrête pas là. Alexis Kohler souhaite travailler directement pour MSC. Après une première tentative infructueuse, il y parviendra en 2016 en qualité de directeur financier, tout en passant la majeure partie de son temps à faire campagne pour son ami Emmanuel Macron, dans un curieux mélange des genres. Ces va-et-vient du public au privé portent un nom : le pantouflage, et sont soumises à des règles déontologiques parfois bien lâches. Le risque de ces relations incestueuses est évident. Comment rester impartial dans les tractations inévitables entre la puissance publique et les entreprises privées ? Comment ne pas risquer la consanguinité en restant pris incessamment dans des réseaux familiaux ?
Je dois avoir l’esprit particulièrement mal tourné, car l’Élysée, pour sa part, ne voit pas où est le problème. C’est peut-être là le nœud précisément. À force de pratiquer l’entre-soi, les représentants de l’oligarchie qui nous gouvernent ont perdu le sens des réalités, voire le bon sens, tout simplement. Comme au temps où l’on imaginait que la France, comme sa banque d’État était dirigée par les 200 familles les plus riches, la soi-disant nouvelle république en marche accapare les pouvoirs, au profit d’une caste technocratique, qui fait passer ses intérêts avant ceux de la masse dont on n’attend que le bulletin de vote.
Commentaires