Bolloré m’a tuer
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 31 mai 2018 11:00
- Écrit par Claude Séné
Si ce n’est encore fait, Vincent Bolloré aura tout tenté pour couler Canal plus, dont les jours pourraient désormais être comptés avec la perte des droits de diffusion du football hexagonal à partir de 2020. Il est de bon ton de vanter la clairvoyance des grands « capitaines d’industrie », qui seraient les seuls et uniques responsables de l’essor de leurs groupes, ce qui justifierait les salaires mirobolants qu’ils s’octroient. Dans ce cas, il est légitime de leur imputer également les échecs subis du fait de leurs stratégies désastreuses.
Depuis sa création en 1984, Canal plus s’est appuyé sur trois piliers : le cinéma, le sport et le divertissement. Le modèle a rapidement trouvé sa rentabilité économique et connaitra de fructueuses années avec une vitrine en clair symbolisée par les « guignols » champions de l’impertinence. Vincent Bolloré, dont le sens de l’humour est proche de celui d’un menhir, aura leur peau, ainsi que celle de tous ceux qui ne seraient pas dans la ligne éditoriale du patron omniprésent. À lui seul, Bolloré aura fait fuir un million d’abonnés environ, en détruisant l’image d’indépendance de la chaine. La chute semblait en voie de s’enrayer, bien que les chiffres soient devenus top secret, quand est donc survenu cet échec retentissant : aucune retransmission de la ligue de football attribuée à la chaine cryptée, faute d’enchère suffisante. Sachant que 25 % des abonnés de Canal plus déclarent être motivés principalement par le sport, l’hémorragie pourrait être très sévère, voire mortelle. La Bourse ne s’y est d’ailleurs pas trompée où l’action de la maison-mère, Vivendi, a dévissé de 5 %, soit une perte d’un milliard en une journée. Ajoutons à cela que les modes de consommation du cinéma et des séries sont en pleine mutation chez les jeunes, qui préfèrent les petits écrans à la télévision et sont tentés par des offres à la demande comme celles de Netflix, et le tableau (noir) sera complet.
Bien sûr, le capitaine a déjà quitté le navire sans attendre le naufrage, puisque Vincent Bolloré a démissionné de la présidence du groupe, mais le mal est fait. Le cinéma français pourrait en être une victime collatérale, puisque la chaine est tenue de financer la production de films à hauteur de 12,5 % de son chiffre d’affaires. L’équation est simple : moins d’abonnés, moins de recettes, moins de budget, moins de films. Les coupes sont déjà sévères et pourraient être encore plus claires à partir de 2020. Il reste moins de deux ans aux dirigeants de la chaine pour retrouver l’esprit pionnier des débuts et inventer de nouvelles formules pour sauver ce qui peut encore l’être. Après le départ du fossoyeur en chef, il leur restera une petite chance.
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