En attendant Donald
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 14 avril 2018 10:41
- Écrit par Claude Séné
J’ai finalement décidé de conserver ce titre, initialement choisi pour souligner les tergiversations de l’homme qui gazouille plus vite que son ombre, mais qui a tardé à mettre ses menaces à exécution, à tel point que l’on se demandait si l’opinion internationale n’en serait pas réduite à attendre éternellement sa décision, comme les personnages de Beckett l’arrivée d’un hypothétique Godot. Après avoir roulé des mécaniques par tweet vengeur interposé, Donald Trump, peut-être échaudé par des conseilleurs, enfin, ceux qui lui restent paraissait beaucoup moins pressé d’en découdre et de défier le chef du Kremlin.
Sur ce point, on ne peut pas lui donner entièrement tort. Après tout, si nous devions être entraînés dans un nouveau conflit mondial, l’affaire mérite quand même quelque réflexion. Officiellement, il s’agissait de réunir des preuves irréfutables de l’utilisation d’armes chimiques par le pouvoir syrien de Bachar el-Asad, alors que nous savons pertinemment que le stockage et la production de ces armes prohibées n’ont jamais cessé d’exister. Depuis l’épisode honteux de la pantomime de Colin Powell, brandissant devant l’ONU des tubes de farine pour accuser l’Irak de détenir des armes de destruction massive, la Russie a beau jeu de mettre en doute des évidences connues de tous. Côté français, on a dû se demander si Trump n’allait pas nous refaire le coup d’Obama en 2013, quand François Hollande, lâché par le président américain, finissait par renoncer aux raids aériens envisagés pour les mêmes raisons : le franchissement de la fameuse ligne rouge que constitue l’utilisation de neurotoxiques comme le chlore notamment.
Finalement, l’Arlésienne a daigné pointer le bout de son nez, mais avec la plus grande prudence, afin de ne pas fâcher excessivement l’adversaire russe et ne pas l’obliger à une escalade préjudiciable aux intérêts des protagonistes. Wladimir Poutine a fait savoir qu’il n’y avait pas eu de victimes russes, ce que l’on peut traduire par : « même pas mal ! » Du coup, l’efficacité de ces frappes occidentales semble proche de zéro : sur le plan militaire, la guerre est d’ores et déjà pratiquement gagnée par le dictateur syrien. Diplomatiquement, l’effet est presque nul. Concrètement, l’effet dissuasif est négligeable et sera vraisemblablement négligé par un pouvoir qui est engagé dans une fuite en avant. Fallait-il cependant réagir à cette nouvelle atteinte aux traités internationaux ? Peut-être. Mais rien n’est réglé pour autant. Comme dans la pièce de théâtre, « en attendant Godot », nous semblons condamnés à revivre chaque jour les mêmes situations, en espérant un quelconque sauveur qui brisera le cercle infernal du retour inéluctable du « jour de la marmotte ». En tout cas, l’homme providentiel, s’il existe, ne se prénomme pas Donald.