La stratégie Chamberlain

Lorsque Neville Chamberlain, alors Premier ministre du Royaume-Uni, rentra de Munich en septembre 1938 après la signature des accords supposés éviter l’affrontement avec l’Allemagne d’Adolf Hitler au prix de l’abandon en rase campagne de la Tchécoslovaquie, il s’attira une réplique cinglante de la part de Winston Churchill, son futur successeur : « vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. » C’est lui qui avait raison, évidemment, mais sur le moment les populations soulagées avaient acclamé Chamberlain en Angleterre et Daladier en France, pensant alors avoir échappé au pire.

Toutes proportions gardées, la stratégie employée par Emmanuel Macron pour régler la question de la ZAD à Notre Dame des Landes parait aussi inconséquente que celle des Occidentaux devant les exigences territoriales du dictateur allemand. Après avoir soigneusement déminé le terrain en organisant une mission d’experts chargés de préparer l’opinion publique, très partagée sur la question, à un revirement à 180 ° de la position présidentielle, quitte à se couper d’une fraction de son électorat afin de donner des gages à son ministre de l’écologie, voilà que le chef de l’état opte pour une évacuation musclée de la zone où devait se construire l’aéroport. Je ne compare évidemment pas les zadistes aux nazis. Je constate que le gouvernement s’est donné beaucoup de mal pour éviter un affrontement pour finalement le provoquer en abandonnant volontairement la concertation dont il se gargarise à tout bout de champ et utiliser la force.

Impossible de ne pas y voir une opération de communication dont le Président est tellement friand. Il s’agit bien sûr de mettre en scène la fermeté de l’état pour contrebalancer la reculade manifeste sur le projet d’aéroport. Le calcul est évident. Le gouvernement espère se donner le beau rôle de garant de l’ordre républicain, tout en faisant porter la responsabilité des violences sur les opposants, jouant, eux, le rôle d’épouvantails. Pour être sûr de remporter la bataille de l’opinion, le gouvernement a soigneusement verrouillé la communication en interdisant l’accès à la presse et en fournissant lui-même les images destinées à l’édification du bon peuple. Malheureusement pour lui, les zadistes font de la résistance et les opérations traînent. Les blessés se multiplient de part et d’autre, les informations finissent par filtrer et même deux députés réputés godillots de la République en marche ont demandé une pause dans l’évacuation afin de permettre la reprise d’un dialogue qui n’a pas commencé. Peine apparemment perdue. La stratégie du bâton a, semble-t-il, pris définitivement le pas sur celle de la carotte, si l’on en juge aussi par les opérations contre les occupations des universités par les étudiants. Mais gare au retour de bâton, précisément.