L’Europe, l’Europe, l’Europe !

Contrairement au général de Gaulle, qui manifestait son scepticisme sur les institutions européennes en utilisant l’image du cabri qui saute en vain sur sa chaise, je crois à l’intérêt de la construction d’une Europe des peuples, permettant des avancées sociales dans une paix durable. Il faut reconnaître que nous en sommes encore loin et que la majeure partie des pays membres n’a de l’Europe qu’une vision utilitariste, celle d’un grand marché régi par les règles du libéralisme économique. Les résultats des élections hongroises ne font hélas que conforter cette tendance.

Le parti au pouvoir, Fidesz, dirigé par le Premier ministre Viktor Orban, a une nouvelle fois raflé la mise et remporté à lui seul près de la moitié des suffrages, lui permettant de maintenir pour quatre ans supplémentaires une politique souverainiste, xénophobe, misogyne et nationaliste. Il renforce même sa mainmise sur les institutions en obtenant une majorité lui permettant de modifier à sa guise la constitution, une opportunité qu’il a déjà utilisée pour se maintenir en dépit des garde-fous prévus pour une limitation des mandats. Viktor Orban n’a même pas eu besoin de bourrer les urnes pour gagner. La désinformation et la démagogie ont suffi. Selon sa propagande, l’Europe aurait organisé « le grand remplacement » des Hongrois par le flot ininterrompu des migrants, que son pays n’accueille pourtant pas. À l’entendre, les pays où ils séviraient, comme la France, seraient devenus des zones de non-droit, mises à feu et à sang par des hordes de barbares, et où les gens ne peuvent pas sortir sans se faire agresser en permanence. Je n’invente rien, c’est du hongrois dans le texte. Du papy Voise puissance 10.

Et c’est avec cette sorte de boulet qu’il faudrait faire avancer la démocratie dans l’Union européenne ? Pour le dirigeant hongrois, l’Europe n’est rien d’autre qu’une vache à lait, à la manière d’une Margaret Thatcher. Il la dénigre sans arrêt, mais se garde bien de proposer de la quitter, contrairement à la Grande-Bretagne, car les subventions et la politique commune ont permis le redressement de son pays et une certaine embellie économique depuis 2004, année de l’adhésion. Les considérations géopolitiques et l’ancrage d’un ancien membre du pacte de Varsovie au profit de l’OTAN ont joué un rôle prépondérant dans cet élargissement. Nous en voyons les effets aujourd’hui. Au moment du Brexit, qui, à côté de conséquences économiques dommageables pour les deux parties, présente l’avantage d’une clarification après des décennies de blocage anglais des institutions européennes, il faut s’accommoder d’un partenaire dont les positions ne diffèrent guère de celles du Front national et dont le seul concurrent est un autre parti d’extrême droite déguisé en centriste, le Jobbik. Comment ne pas sauter sur sa chaise ?