L’homme qui a niqué Fillon

Et qui s’en vante. Ce terme élégant sort de la bouche de Robert Bourgi, l’avocat à la réputation douteuse proche de l’UMP puis des Républicains. Après avoir tenté en vain de réconcilier Nicolas Sarkozy et François Fillon, il prétend avoir tendu un piège à ce dernier en lui offrant de coûteux costumes sur mesure et en gardant la trace de son paiement pour le compromettre auprès d’un journaliste du JDD. À l’en croire, c’est cet épisode qui a provoqué la chute du candidat dans l’opinion publique et son échec aux présidentielles.

Son témoignage fait partie d’un documentaire réalisé par BFMTV : « qui a tué François Fillon ? » diffusé hier soir, mais dont les bonnes pages ont filtré auparavant, notamment grâce à Robert Bourgi lui-même qui s’est répandu devant chaque micro que l’on a bien voulu lui tendre, notamment celui de Jean-Jacques Bourdin, avec qui la connivence était assez écœurante. La formule est connue, voire éculée. Après qui a tué Grand Maman, qui a tué Paméla Rose, qui a tué Bambi, sans compter les enquêtes rediffusées régulièrement sur la mort de Robert Boulin, pourquoi ne pas épiloguer sur la misérable fin de celui qui n’imaginait pas de Gaulle mis en examen, et encore moins lui-même. Triste sire que ce Bourgi, dont le titre de gloire serait d’avoir porté le coup décisif à un homme à terre. La vérité est beaucoup plus simple. François Fillon n’a eu besoin de personne pour se discréditer auprès des Français. Tout au plus pourrait-on considérer qu’il a pratiqué une forme de suicide assisté, tant son attitude constante de mépris de l’opinion l’a enfoncé. Il s’est entêté en dépit de l’évidence, en maintenant sa candidature contre vents, marées, et surtout raison raisonnante.

Un tel constat peut être établi sans grande contestation, si l’on excepte cette militante qui défend une autre thèse. Pour elle, François Fillon a été victime d’un complot ourdi par les homosexuels et les francs-maçons. La meilleure preuve en serait que le nouveau président a choisi le Louvre et sa pyramide formée de triangles, dont chacun sait qu’ils sont l’emblème de la maçonnerie, pour sa cérémonie d’intronisation. Il fut un temps où tous les malheurs de la société étaient attribués à l’influence néfaste des bonnes sœurs communistes, dont je n’ai personnellement connu aucun spécimen. Autres temps, autres mœurs, voilà l’épouvantail gay, associé aux plus anciennes sociétés secrètes, offert en victime expiatoire au bon peuple crédule. Et après tout, pourquoi pas : 79 % des Français croient à au moins une théorie complotiste, voire deux ou trois, et même, pour 25 %, à plus de cinq.