Ben mon Collomb !

Est-ce la fonction qui crée l’organe ? Ou faut-il avoir des aptitudes particulières pour assumer la charge de ministre de l’Intérieur ? Toujours est-il que Gérard Collomb, qui avait une image plutôt « pépère » est en train de virer à une brutalité que n’aurait pas désavouée un Nicolas Sarkozy des grands soirs, ou un Charles Pasqua des petits matins enfonçant les portes de l’église Saint-Bernard à coups de hache pour en déloger les sans-papiers. D’où vient cet excès de zèle qui a poussé l’ancien maire de Lyon à pondre une circulaire immédiatement qualifiée de honteuse par les associations humanitaires ?

Poser la question, c’est y répondre, tant on sait bien que la marge de manœuvre des membres du gouvernement est insignifiante. Rien ne se fait sans l’accord du grand chef, et le plus souvent il s’agit de mettre en musique une partition écrite au sommet de l’état. De quoi s’agit-il ? Le projet du ministère consiste, ni plus ni moins, à recenser les candidats à l’accueil en France dans les centres d’hébergement, dans le but de trier les réfugiés selon leurs chances d’obtenir le droit d’asile. L’objectif est clairement de gagner du temps pour renvoyer le plus vite possible les migrants d’où ils viennent, en fait se débarrasser du problème en expulsant les étrangers vers le pays d’Europe où ils sont arrivés en premier, comme le prévoit déjà une loi scélérate et néfaste. On est passé insidieusement d’une politique malthusianiste où l’on ne pouvait pas accueillir tout le monde, à une politique répressive où l’on voudrait n’accueillir personne.

D’ailleurs, le premier, et presque unique « bénéfice » de cette procédure, c’est de dissuader les étrangers de se faire connaître. De renoncer à un hébergement et à des soins qui pourraient se retourner contre eux. Ces malheureux, qui ont souvent risqué leur vie dans des traversées hasardeuses en mer, recommencent en se lançant dans le franchissement des zones montagneuses entre la France et l’Italie. Au point que des bénévoles en sont réduits à organiser des « cordées solidaires » pour leur éviter un sort fatal, alors qu’ils n’ont même pas le minimum vital pour survivre, particulièrement en hiver. Le défenseur des droits a beau agiter la menace d’une condamnation de l’Union européenne, rien n’y fait. Au lieu de se démener pour justifier une position injustifiable, le gouvernement ferait mieux de revoir sa copie. C’en est au point de mettre dans l’embarras certains représentants de la République en marche, dont un de ses porte-parole, contraint de sortir les avirons pour ne pas avoir l’air de critiquer le ministre de l’Intérieur, n’a pourtant pu que blâmer ces dispositions iniques et contre-productives. Jusqu’où s’arrêteront-ils ?