Un goût amer

C’est sûrement celui qui restera à la fin de cette année, distillé par un cynisme ambiant de plusieurs années sur lequel je voulais m’arrêter ce matin.

Pour ce faire, consciencieuse, j’ai approfondi un peu cette notion que mes professeurs de philosophie n’avaient pas trouvé opportun de développer. À ma grande surprise, j’ai découvert que c’était une doctrine matérialiste, anticonformiste, qui prônait vertu et sagesse dans une liberté radicale face aux conventions. Les armes du sage cynique, qui se contente du minimum pour ne souffrir d’aucun manque, sont la profération de maximes ironiques, et la transgression de tous les interdits, estimant qu’aucune règle sociale n’est essentielle.

Dans notre monde contemporain il y a eu un peu de glissement sur le sens de cette doctrine, et communément nous considérons cynique, un individu qui au mépris des convenances, ose exprimer sans ménagement des principes contraires à la morale, à la norme sociale.

Ces 10 dernières années, la vie publique politique nous en a fourni de nombreuses illustrations !

Le maître dans cet art étant sans conteste Sarkozy, se prélassant sur le yacht de Bolloré, se goinfrant à la Tour d’argent, quand plusieurs millions de Français pointent au chômage. Hollande n’est pas vraiment en reste quand il ironise sur « les sans dents », lui qui aurait pu leur donner accès aux soins gratuits ! Notre président actuel n’est pas mal non plus, qui ose traiter les Français de fainéants ou d’alcooliques, voire d’illettrés, ou qui conseille d’être chauffeur chez Uber plutôt que dealer… Lui qui paie l’ISF, qu’attend-il pour lutter contre le chômage autrement qu’en donnant aux riches, aux nantis ? Il est vrai que son cynisme va jusqu’à dire que les avantages concédés, c’est justement pour que les pauvres puissent en profiter ! Il est bien le seul à y croire ! Je sais, vous allez me dire que l’autre glissement de sens, c’est que cynisme égal mépris, arrogance, insolence que cela devient l’apanage des puissants. Pourrait-on aussi y ajouter l’opportunisme, celui qui conduit à se mettre du côté des plus forts, à renier ses convictions, à trahir ses amis pour une miette de pouvoir ? Joli cocktail qui n’encourage pas à respecter et estimer ceux qui revendiquent notre suffrage.

Ce cynisme est tellement prégnant qu’il va finir par devenir normal, donc pernicieux, une publicité sur France Inter, qui veut nous inciter à faire un legs pour lutter contre la faim dans le monde, est suivie dans la seconde par une autre publicité sur le roquefort, si bon sur une baguette de pain chaud. Et personne ne sursaute ! Comme personne ne sursaute quand le président ose officialiser l’ouverture des restos du cœur, sans s’apercevoir du cynisme de la situation… laisser à l’initiative privée ce qui devrait être du ressort de l’État.

Pour ne pas casser l’ambiance, je terminerai par une touche d’humour noire où le cynisme l’emporte sur la drôlerie : « un handicapé sans bras, sans jambes a traversé la Manche… dommage pour les requins ».

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#1 Claude 26-11-2017 10:49
Petite précision, le cynisme a une relation étroite avec le chien dont il partage l'étymologie. Ce qui rend encore plus piquante la formule connue selon laquelle il y aurait dans chaque niche fiscale un chien féroce pour la défendre, comme la clientèle de ceux qui nous gouvernent.
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