Objection, votre honneur !

Nous sommes tellement abreuvés de séries américaines que nous finissons par être plus familiers avec la procédure en vigueur aux États-Unis qu’avec le fonctionnement de notre propre justice. Ce système d’objection n’est donc pas de mise dans un procès tel que celui qui s’achève aujourd’hui, et qui a pour objectif de déterminer la complicité du frère de Mohamed Merah et de l’un de ses amis. Et pourtant, nombre des membres des familles des victimes ont dû avoir le désir d’objecter leur souffrance pour faire taire les arguments de la défense, inaudibles à leurs oreilles.

Un des temps forts du procès a été le témoignage de la mère du tueur de Toulouse, prête à nier les évidences pour justifier les agissements de son cadet et tenter de sauver le fils ainé, Abdelkader. L’intervention de maître Dupond-Moretti, rappelant que cette femme avait déjà perdu un fils, a dû paraitre insupportable aux proches des victimes, et je l’ai trouvée pour ma part plus que déplacée. Si l’on ne peut pas reprocher à cette femme de choisir son enfant plutôt que la vérité et la justice, on ne peut pas non plus justifier l’injustifiable et confondre bourreaux et victimes. Pour cette fois, nous avons le sentiment qu’Éric Dupond-Moretti a choisi le mauvais côté de l’allée, lui qui s’est fait connaître par la défense de causes perdues, mais de causes justes. Je sais bien que tout accusé, quel que soit son crime, a le droit d’être défendu et il n’y a aucune raison qu’il ne puisse pas bénéficier des services d’un professionnel compétent, ce que tout le monde reconnait à son avocat. Je suis cependant mal à l’aise avec cette défense médiatisée à outrance par la réputation de l’avocat dont le surnom est « acquittator ».

Le plus grand flou entoure d’ailleurs les circonstances qui ont déterminé Éric Dupond-Moretti à accepter la défense d’Abdelkader Merah. Il a indiqué ne pas toucher un centime pour cela et le faire « pour l’honneur ». Un honneur discuté et discutable. Une publicité et un retentissement dans la presse internationale à coup sûr. Il y a cependant un point sur lequel on peut être d’accord avec le célèbre avocat. Le procès souffre de l’absence du principal auteur des crimes, Mohamed Merah lui-même. C’est lui qui devrait se trouver au premier rang du box des accusés. Sa culpabilité ne faisant aucun doute, la justice est tentée d’instruire son procès par contumace, comme pour exorciser les démons qui l’ont inspiré. Il reste l’image d’une famille, ou plutôt d’un clan, dont tous les membres, à l’exception d’un fils renégat, semblent avoir partagé, de gré ou de force, une idéologie meurtrière dont Mohamed Merah a été le bras armé.