Envoyez-moi un dollar

Les bonnes idées ne meurent jamais. L’histoire du jour se passe en 1929, après le krach boursier qui a vu s’effondrer Wall Street, et elle est rapportée par Pierre Bellemare dans un de ses ouvrages à succès. Un certain Harold Willems a fait publier une annonce dans le New York Post dans laquelle il demande de lui envoyer un dollar à une certaine adresse, sans rien promettre en échange. Le bouche-à-oreille aidant, des New-Yorkais flairant la bonne affaire se précipitent pour aller verser leur dollar à l’adresse indiquée.

Rapidement, des files d’attente se forment et les gens se bousculent pour verser leur dollar et récupérer leur reçu dûment acquitté. Avec son talent de conteur, Pierre Bellemare multiplie les détails qui donnent de la crédibilité à son récit et annonce finalement le résultat de cette quête d’un nouveau genre : 300 000 dollars ! ils ont été 300 000 gogos à verser leur dollar à Harold Willems, qui a disparu définitivement de la circulation ensuite, sans pouvoir être poursuivi pour escroquerie, puisqu’il n’avait rien promis. À défaut d’être authentique, l’histoire est tellement belle que Pierre Bellemare ne résistera pas à la tentation de réutiliser le même ressort pour un sketch diffusé à la télévision dans l’émission humoristique « Merci, Bernard, » si ma mémoire est bonne. Cette fois, il prêche pour son saint en s’adressant aux téléspectateurs pour leur demander de lui envoyer un franc pour se payer des vacances. Son raisonnement est lumineux : « pour chacun d’entre vous, un franc ce n’est pas grand-chose, mais si vous êtes des millions à me faire cadeau de ce franc symbolique, je pourrai me payer des vacances de rêve ». Dans le même esprit, un Américain prénommé Rich, ça ne s’invente pas, a créé dans les années 2000 un site Internet appelé « sendmeadollar » (envoyez-moi un dollar) et a récolté 3000 dollars en un an, toujours grâce à la même recette.

Je soupçonne Emmanuel Macron d’avoir eu vent de l’une ou l’autre de ces histoires et de s’en être inspiré pour trouver l’argent qui lui manque pour boucler ses fins de mois tout en faisant des cadeaux fiscaux à son électorat aisé. Fidèle au principe selon lequel il est plus facile de demander un euro à mille personnes que mille euros à une seule, il a décidé de faire les poches des bénéficiaires de l’aide au logement. Pour des raisons pratiques, au lieu de faire appel à la générosité publique, toujours aléatoire, il va ponctionner directement 5 euros par mois sur les allocations permettant aux étudiants ou aux plus pauvres de payer leur loyer. D’accord, ils n’ont pas grand-chose, mais ils sont plus nombreux. Elle n’est pas belle, la vie ?