La prise de l'ours
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 3 septembre 2014 12:20
- Écrit par Claude Séné
Je n'ai jamais été un adepte de la confrontation physique, et cela dès mon plus jeune âge. Je préférais m'en remettre à la vitesse de la course et à une certaine adresse dans l'art de l'esquive plutôt que d'affronter mes adversaires en combat singulier. Je détestais les coups, autant en donner qu'en recevoir.
J'aurais d'ailleurs été bien incapable, et je le suis toujours, d'asséner un coup de poing à quiconque avec quelque chance de toucher ma cible. À la grande rigueur, se débattre en lançant des coups de pieds au petit bonheur la chance, était l'alpha et l’oméga de ma science de la bagarre. Malgré tout, il arrivait parfois dans la cour de récréation qu'un adversaire particulièrement belliqueux ne se laisse pas décourager par mes fuites intrépides et finisse par me coincer pour me défier en combat singulier. J'avais donc été contraint de mettre en place un plan B, destiné à me sauver la mise en cas d'absolue nécessité. Cette manœuvre de la dernière chance pour éviter d'être purement et simplement rossé, je ne l'avais pas inventée, puisqu'elle est pratiquée, de façon plus efficace bien sûr, par les catcheurs. Mon coup de Jarnac personnel consistait donc à me rapprocher le plus possible de mon adversaire avant que celui-ci n'ait eu le temps de s'organiser, et de le serrer dans mes bras aussi fort que possible. Dans le meilleur des cas, et à condition que le garçon ne soit pas trop costaud, la respiration coupée ou très entravée l'amenait à renoncer et à demander une trêve que je m'empressais d'accepter. Au minimum, cette position l'empêchait de me lancer des coups, et il finissait généralement par abdiquer, à moins que l'altercation ne finisse par attirer l'attention du maître de service et qu'il vienne mettre un terme à la dispute.
Cette fameuse prise, vous la connaissez peut-être, porte le nom de prise de l'ours. J'y ai repensé en entendant parler de la stratégie de Poutine dans l'est de l'Ukraine. Pendant un moment, le doute a été permis sur ses intentions, qu'il s'est bien gardé d'annoncer ouvertement. Il a laissé prospérer le mythe du soulèvement spontané des populations contre le pouvoir central de Kiev. Au fur et à mesure des combats, Poutine a avancé ses pions, demandant l'autonomie pour les régions frontalières avec la Russie. Progressivement le plan se dessine. Il paraît de plus en plus clair que c'est une partition qu'il essaie d'imposer, en permettant une jonction avec la Crimée déjà annexée sans être obligé de construire un pont coûteux entre la Russie et la presqu'île. Et rien ne dit qu'il s'en tiendra là. Les occidentaux n'ont à lui opposer que des sanctions économiques inefficaces et un soutien logistique à l'Ukraine. Ce sera trop peu si le maître du Kremlin décide d'étouffer le président ukrainien sous ses embrassades. Au fait, l'ours n'est-il pas l'animal fétiche de la Russie, celui qui a servi de mascotte aux jeux Olympiques de Moscou en 1980 ?