L'impensable

Les parents du petit Loan ont donc fini par craquer et ont avoué avoir porté des coups ayant entraîné la mort de leur bébé de quatre mois, alors qu'ils avaient prétendu qu'il avait été enlevé par un inconnu pendant qu'ils jouaient à la pétanque dans un espace de loisirs. Le plus étonnant dans cette histoire, c'est que leurs aveux n'ont étonné personne.

Depuis le début de ce fait divers, la suspicion a pesé sur le témoignage de ces parents, une méfiance de la police et de la justice relayée par les médias. Le milieu social défavorisé dont est issue cette famille n'y est sans doute pas pour rien mais n'explique pas tout. Le public s'est habitué à ce que la parole des parents ne soit pas considérée comme vérité d'évangile et tout le monde a encore en tête cette affaire assez similaire où la maman de la petite Fiona avait prétendu que sa fille avait disparu du parc où elle jouait avant d'admettre elle aussi avoir tout inventé avec son compagnon pour dissimuler la mort de sa fille.

Il n'y a pas si longtemps, pourtant, il paraissait inimaginable de soupçonner des parents, et plus précisément une mère, d'être responsable de la mort de leur enfant. Au moment de la célèbre affaire non élucidée du petit Grégory retrouvé mort dans la Vologne, la décision du juge d'instruction de mettre en examen sa mère, Christine Villemin, avait déclenché une polémique. De nombreuses voix s'étaient élevées pour dénoncer un soupçon selon eux inconcevable. C'est pourtant à cette époque que l'on est passé de l'impensé à l'impensable. Auparavant, on ne s'imaginait même pas que cela puisse être imaginable, malgré de nombreux exemples d'infanticides dans le passé. La chronique de Marguerite Duras, « coupable, forcément coupable », bien qu'erronée sur le fond, ouvrait la voie à la possibilité de se représenter le crime, alors que la morale bien-pensante excluait toute possibilité de culpabilité au nom d'un imaginaire instinct maternel interdisant définitivement tout passage à l'acte. Pire encore, d'autres affaires sont venues confirmer la complexité de la nature humaine, avec notamment la découverte de bébés congelés. Et ces drames touchaient des couches variées de la population et non uniquement des personnes en difficulté matérielle.

Évolution ou non de la société, on a pu percevoir dans la présentation des faits par le juge chargé de l'enquête une volonté de ne pas accabler le couple et de chercher à comprendre les circonstances qui l'ont amené à cette situation dramatique. Mais nous sommes encore loin d'un procès.