Un putsch providentiel
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 18 juillet 2016 10:30
- Écrit par Claude Séné
Erdogan en avait rêvé, les militaires l’ont fait. Depuis que son parti, l’AKP, l’a porté au pouvoir, le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a eu de cesse de se renforcer et d’éliminer le plus possible de contestataires et d’opposants. Le coup d’État raté lui offre sur un plateau le prétexte idéal pour faire passer toutes les mesures lui permettant de présidentialiser encore plus le régime et se débarrasser des gêneurs, qu’ils soient magistrats, militaires ou journalistes. Ce putsch lui donne une légitimité supplémentaire en le posant à la fois en victime et en rempart de la démocratie alors que son régime montre une dérive autoritaire grandissante.
Pour le président turc, l’occasion est trop belle de discréditer son adversaire de longue date, Fethullah Gülen, un chef religieux concurrent, qui a choisi l’exil aux États-Unis et dont Mr Erdogan réclame l’extradition en l’accusant d’être l’instigateur de cette tentative de coup d’État. De son côté, Gülen soupçonne Erdogan d’avoir tout manigancé, ce dont je doute. Erdogan était solidement installé au pouvoir après avoir remporté les dernières élections. Il s’apprêtait à faire passer une réforme constitutionnelle pour étendre encore ses pouvoirs et jouissait d’une popularité importante comme les évènements récents l’ont démontré. Il avait peu à gagner et beaucoup à perdre à tenter un coup de force qui aurait pu mal tourner pour lui. Cependant, il a commencé à instrumentaliser la situation pour pratiquer des purges à grande échelle et évincer les opposants, déjà réduits à la portion congrue. Les Turcs qui n’avaient pas voté pour l’AKP de Mr Erdogan se sont trouvés obligés de le soutenir pour ne pas remplacer une forme d’autocratisme par une dictature militaire, dont la plupart ne veulent pas. Une forme de boulevard en somme pour assoir le pouvoir sans entrave du président, qui envisage même de rétablir la peine de mort pour les militaires séditieux.
Le régime prend clairement une tournure autoritaire pour ne pas dire dictatoriale. Il ne faut pas compter sur la communauté internationale pour mettre un frein aux ambitions de Mr Erdogan. La Turquie rend trop service dans cette partie du monde pour qu’on se brouille avec elle pour de pareilles broutilles telles que les droits de l’homme ou la démocratie. C’est de son territoire que décollent les avions de la coalition pour attaquer l’état islamique et c’est elle qui accueille le plus gros des réfugiés causés par la guerre. Tout au plus, la communauté européenne, par la voix de sa chef de la diplomatie, Federica Mogherini, a rappelé que l’état de droit devait être protégé en Turquie. C’est bien peu.