La peste soit de l’avarice

Et des avaricieux (Molière)… impossible de ne pas penser à Harpagon quand on se penche sur ce deuxième péché qu’est l’avarice.

Si l’orgueilleux désire posséder tous les biens de l’âme pour être soi-même sa propre excellence, l’avare souhaite posséder tous les biens extérieurs, une autre façon de dominer le monde. Il cherche à subordonner le bien commun à son propre pouvoir en vue d’une domination arrogante.

L’avarice est un état d’esprit qui consiste à ne pas vouloir se séparer de ses biens, de ses richesses, de thésauriser, sans volonté de dépenser. L’avare est capable de se restreindre à l’excès, jusqu’à faire croire qu’il vit dans la misère, son magot bien caché. Il est asocial, il met la communauté en péril en refusant le partage. L’avare se réconforte en comptant ses billets et en faisant payer autrui, il se donne l’illusion d’avoir tout pouvoir sur les autres en gardant tout pour lui.

Rongé par sa passion, il connaît la douleur de la perte, il ne jouit de rien puisqu’il ne convertit jamais son bien, il ne connaît pas la paix, la sérénité et n’est jamais satisfait, sa mentalité le condamne à se sentir menacé et il développe en cela la même paranoïa que l’orgueilleux, par peur d’être dévalisé.

C’est un personnage peu apprécié, « les avares sont des âmes sales, petites, de boue et d’ordures éprises du gain et de l’intérêt » écrit La Bruyère dans les Caractères.

L’avarice peut devenir pathologique, l’argent devient objet d’amour et de désir et symbole de domination, de pouvoir, de position de toute-puissance.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que psychologie et psychanalyse se soient intéressées à ce trait de personnalité.

Éclairage classique de l’avarice par cette dernière : notre relation à l’argent serait animée par des fantasmes élaborés au stade oral à un âge du développement affectif. Au stade oral, le nourrisson se sent démuni, impuissant, il rêve d’un « sein » inépuisable permettant d’échapper au manque, le paradis en quelque sorte ! Ce fantasme oral se retrouverait pour ceux qui courent après l’argent, car, dans leur inconscient, argent égal « sein » toujours à disposition. Au stade anal, l’enfant sur le pot se retiendrait pour se protéger contre la menace imaginaire d’être totalement vidé de sa substance, l’avare qui retient son argent ferait référence à ce stade.

Réfléchir sur l’avarice, ouvre une réflexion sur le rapport entre l’homme et l’argent. Rapport ambivalent s’il en est, suscitant l’amour, la convoitise, la haine, le mépris… véhiculant des fantasmes inconscients, « comprendre les relations qui nous lient à l’argent, c’est comprendre l’homme ».

L’avare est un angoissé dont l’appétit a souvent pour origine la peur de manquer, il est peu apprécié et souvent rejeté, il nous offre un miroir déformant de ce que l’on peut avoir de plus mesquin. Mais comme en toute chose la modération est de mise, ne prenons pas nos soins de prévoyance pour l’avenir, par exemple, et nos soucis d’économie, pour une marque de radinerie, mais plutôt comme une forme de sagesse et au diable l’avarice, sachons faire des folies.

L’invitée du dimanche