Serena

C’est le prénom de cette fillette que l’on avait retrouvée dans le coffre d’une voiture, nue, déshydratée, sale et manifestement privée des soins les plus élémentaires en 2013. Un prénom paradoxal si l’on considère qu’elle menait une vie tout sauf sereine, plus proche de celle d’un enfant-loup que d’une petite fille normale. Sa mère expliquera qu’elle avait caché sa grossesse à tout le monde, y compris à son mari, et qu’elle avait maintenue dans une pièce obscure, se contentant de lui assurer la survie en la nourrissant. Une attitude d’autant plus difficile à comprendre qu’elle a élevé par ailleurs trois enfants, de façon correcte.

La petite fille, âgée de 4 ans au moment des examens, présente un retard du développement, tant du point de vue postural que celui de la communication et les experts ont diagnostiqué un autisme caractérisé par « une désorganisation précoce des récepteurs » dont les conséquences risquent d’être permanentes. Les parents de Serena seront renvoyés vers une cour d’assises pour violences habituelles sur une mineure. Ce fait divers sordide soulève naturellement un grand nombre de questions. Personnellement, j’en retiendrai surtout une, qui est l’évolution de la notion même d’autisme dans la période récente. Sous l’influence de la psychologie américaine, l’explication de l’autisme est passée de l’environnement à la génétique. Le grand ennemi étant la psychanalyse, que l’on a accusée de culpabiliser à tort les mères. Dans le même temps, le champ de l’autisme s’est considérablement élargi, et l’on a rangé dans cette catégorie nombre de comportements fort éloignés de la définition qu’en avait donnée Kanner à l’origine.

En particulier, on a mis en avant des autistes que j’appellerai compétents, un peu comme le héros de « rain man », capable de réaliser des calculs de phénomène de foire, tout en étant parfaitement inadapté à une vie sociale ordinaire. Je reste sidéré d’entendre interviewer des « autistes » qui s’expriment aussi bien, voire mieux que vous et moi, tout en gardant l’image de jeunes enfants coupés du monde extérieur, victimes de stéréotypies, présentant des troubles sévères de la communication. Si des soignants ont pu commettre des erreurs en appliquant sans discernement des schémas explicatifs simplistes pour tenter de soigner les victimes de ces troubles, je ne pense pas qu’une conception mécaniste basée uniquement sur les thérapies cognitives et comportementales soit à même de résoudre tous les problèmes. L’exemple de Serena démontre à l’évidence que dans certaines circonstances, et sans qu’il soit nécessaire de psychologiser à outrance, des traitements de privation de contact social entrainent nécessairement des troubles plus ou moins sérieux et durables, sans que des facteurs  génétiques soient impliqués. Comme souvent, chaque cas est particulier.