Traitre de Portugais

Comment ça, je suis chauvin ? Enfin, oui, un peu, mais ceci n’a rien à voir avec la défaite de l’équipe de France face à nos adversaires lusitaniens en finale de l’euro de foot. Après tout, il n’y a rien là de plus que ce qu’on appelle la glorieuse incertitude du sport, ou en termes plus triviaux le coup de bol renommé réussite pour l’occasion. Évidemment, le moral des Français aurait sûrement été meilleur en cas de victoire, et la consommation des ménages se serait mieux portée, mais on peut douter d’une remontée durable de l’exécutif dans les sondages d’opinion, même dans cette hypothèse.

Non, le traitre aux yeux de toute l’Europe n’est autre que José Manuel Barroso, ancien premier ministre portugais, qui a dirigé la commission européenne pendant 10 ans, et qui vient d’être recruté par la banque américaine Goldman Sachs comme conseiller et président non exécutif. Je n’ai pas d’information sur son salaire, mais on peut aisément imaginer qu’il ne travaillera pas pour des clopinettes. Ce qui est particulièrement choquant c’est de voir l’interpénétration des politiques et des milieux d’affaires. On a vu Mario Draghi quitter la banque Goldman Sachs pour devenir gouverneur de la banque centrale européenne, et à présent, les vases communiquent dans l’autre sens. L’épisode intervient peu après le Brexit, au moment où les opinions publiques sont très partagées sur leur attachement à l’idée européenne, et où des démagogues sont prêts à exploiter tout ce qui peut être supra national. Le Front national ne peut qu’être renforcé par de tels comportements.

À cette occasion, on a l’impression que les dirigeants de nos pays forment une sorte de caste où l’on se tient les coudes, on se fait des faveurs et l’on se partage les postes rémunérateurs quand on n’est pas ou plus aux manettes. On a ainsi appris à cette occasion qu’il avait soutenu Tony Blair et Georges W. Bush dans la guerre du Golfe, dont un rapport anglais vient de dénoncer l’absence de fondement juridique. Son comportement pendant la crise financière des subprimes déclenchée par les risques excessifs pris notamment par Goldman Sachs a été loin d’être exemplaire. Ce qui ne l’a pas empêché d’être reconduit à son poste malgré une campagne vigoureuse de Daniel Cohn-Bendit. Et voilà le remerciement qu’il adresse à ceux qui l’ont soutenu contre toute raison en allant pantoufler dans le privé. Et si l’occasion s’en présentait, je suis prêt à parier qu’il n’hésiterait pas à rempiler dans un poste de dirigeant public. Pourquoi pas le FMI si sa directrice actuelle venait à être rattrapée par les affaires ?