Un nouveau Tarnac ?

J’ai été choqué, comme tout le monde, par les images de la destruction d’une voiture de police, fracassée à coup de barre de fer puis incendiée alors que ses deux occupants étaient encore à l’intérieur. J’ai aussi été frappé par le sang-froid du conducteur qui a affronté ses assaillants à mains nues et dont le courage a été salué par les plus hautes autorités de l’état. Cela dit, et contrairement au chanteur autrefois énervé, Renaud, je ne suis pas tout à fait prêt à rouler un patin au premier représentant des forces de l’ordre qui passera dans mon secteur.

Oui, il faut condamner sans ambigüité le recours à la violence physique, et non, il ne faut pas que l’état d’exception serve de prétexte à rendre une justice expéditive ou à couvrir des bavures policières quand malheureusement il s’en produit. Vous aurez noté que la police a fait preuve d’une remarquable célérité pour arrêter des suspects dans cette regrettable affaire de voiture incendiée. Une enquête rondement menée apparemment, puisque la police aurait identifié et retrouvé les casseurs en quelques heures seulement. Une efficacité qui se comprend d’autant plus facilement qu’elle repose sur le témoignage anonyme d’un policier infiltré. Sur la base de ses renseignements, cinq personnes seront interpellées et mises en garde à vue, mais seulement quatre d’entre elles vont être mises en examen, une seule sera finalement maintenue en détention provisoire, et encore, elle n’aurait participé qu’à la casse des vitres de la voiture alors que l’on recherche toujours celle qui a lancé le fumigène à l’origine de l’incendie.

Comme à l’accoutumée, les syndicats policiers se plaignent d’un laxisme supposé de la justice, mais les remises en liberté, même assorties d’un contrôle judiciaire, doivent bien traduire quelque chose. Les avocats des prévenus dénoncent un dossier vide. Ce qui est établi, et que les mis en examens ne contestent pas, c’est qu’ils appartiennent à la mouvance contestataire et qu’ils ont pris part aux manifestations contre la loi-travail. Cela ne suffit pas à prouver qu’ils sont les auteurs des violences qui leur sont reprochées. Apparemment, les magistrats n’ont pas été convaincus par les éléments disponibles pour l’instant, et il faudra attendre l’instruction pour avoir des détails sur les preuves qui pourraient ou non exister. Cette affaire fait penser à celle dite de Tarnac, quand Michèle Alliot-Marie avait précipitamment accusé de terrorisme des membres d’une communauté de Corrèze soupçonnés d’avoir bloqué des lignes de TGV en 2008. Une affaire tellement nébuleuse qu’elle n’est pas encore tranchée. Les faits matériels ne sont toujours pas établis et la qualification de terrorisme sera retenue, ou non, aujourd’hui.