Usual suspects
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 17 mai 2016 10:19
- Écrit par Claude Séné
Je continue dans la veine du Festival de Cannes en utilisant le cinéma pour réfléchir à l’actualité sociale, encore très riche ces temps-ci. Devant la mobilisation qui ne se dément pas et la détermination d’un certain nombre d’acteurs pour rejeter la loi sur le Code du travail, le gouvernement semble avoir fait le choix du pourrissement. Pour discréditer le mouvement, quoi de mieux que de laisser croire qu’il serait exclusivement composé d’éléments violents, de « casseurs », qui effectivement finissent par exaspérer les riverains victimes d’exactions, place de la République ou ailleurs. Contrairement à ce que laisse entendre le pouvoir, les manifestants rejettent massivement ces violences qui ne peuvent que nuire à leur cause.
Pourtant l’état, par la voix de son ministre de l’Intérieur ou de ses préfets, pratique l’amalgame en interdisant de manifester certains militants dont elle estime qu’ils seraient violents. On y retrouve les suspects habituels, membres d’associations antifascistes, assignés à résidence au nom de l’état d’urgence, dévoyé de sa mission d’origine. Selon le préfet de Loire-Atlantique, il s’agirait d’éléments identifiés formellement comme ayant pris part à des actions violentes lors de précédentes manifestations. Attendez, je ne comprends plus, là. S’il s’agit réellement de casseurs avérés, pourquoi sont-ils encore en liberté et ne font-ils pas l’objet de poursuites judiciaires ? Ne s’agit-il pas plutôt de personnes soupçonnées, à tort ou à raison, d’être susceptibles de passer à l’acte, en raison de leurs opinions ? Un délit qui n’existe pas dans notre droit.
Cela me rappelle un autre film de Steven Spielberg, « Minority report », dans lequel on imagine qu’il est possible de déceler l’intention de commettre des délits et d’arrêter les auteurs potentiels avant qu’ils passent à l’acte ni même qu’ils en ressentent l’intention. Un déterminisme qui fait froid dans le dos et qui augure d’une société complètement déshumanisée, où le libre arbitre n’aurait plus cours. Cette façon de procéder est évidemment contraire aux règles de droit qui imposent de réprimer seulement après que les faits soient constitués, et non sur des intentions plus ou moins perceptibles. Cela contraste aussi avec l’attitude attentiste des forces de l’ordre par rapport aux éléments violents, dont ils restent trop longtemps spectateurs au lieu d’intervenir immédiatement. Des faits attestés par des syndicalistes policiers, y compris les plus corporatistes et les moins suspects de sympathie envers le mouvement ouvrier. Le pouvoir espère sans doute jeter le discrédit sur les contestataires et leur faire endosser la responsabilité des violences infligées aux biens et malheureusement aux personnes, mais ce jeu dangereux peut se retourner contre lui.
Commentaires