Le lapsus

La presse a relevé le magnifique lapsus de François Hollande, interrogé par Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, au sujet d’une alternative possible à gauche, qui commence sa réponse en disant « si je ne suis pas » avant de rectifier « si la gauche n’est pas reconduite », une façon d’accaparer la notion de gauche à son usage exclusif, qui n’est évidemment pas passée inaperçue. Un peu comme avait déclaré en substance Sting, le chanteur du groupe The Police : « Police, c’est moi et il n’y a pas de groupe sans Sting ».

La première conséquence de cette affirmation, c’est qu’elle dissipe le doute sur la candidature de Hollande à sa propre succession, si certains n’en étaient pas encore persuadés. Un message principalement à usage interne pour doucher les espoirs de ses concurrents potentiels dans sa propre majorité, si tant est qu’elle existe encore. Une façon aussi de prendre ses désirs pour la réalité, en ignorant allègrement les candidatures potentielles ou déclarées de Mélenchon à Cécile Duflot en passant par Nicolas Hulot, sans parler de Macron, Valls ou Montebourg. Ce faisant, il enjambe l’éventualité d’une primaire, qui figure pourtant en toutes lettres dans les statuts de son parti, et qui ne serait donc, implicitement, d’aucune utilité puisqu’il serait le seul à pouvoir incarner les valeurs de la gauche. Si ce n’est pas un coup d’État, c’est quand même un coup de force et il m’étonnerait fort qu’il soit accepté sans discussion.

La formule qu’il a employée présente le grave inconvénient d’avoir été précédemment utilisée par Margaret Thatcher, qui n’était pas précisément de gauche, et qui avait déclaré : « There is no alternative » au sujet de sa politique économique, un argument d’autorité largement repris depuis. Si l’on retient généralement dans le lapsus son côté négatif, qui est de révéler une pensée que l’on préférerait cacher, il peut avoir ses avantages. En l’occurrence de dire ce que l’on n’a pas dit, et de faire coexister deux facettes contradictoires. François Hollande ne veut pas déclarer officiellement sa candidature trop tôt, de façon à pouvoir continuer son action de président aussi longtemps que possible et bénéficier ainsi de l’avantage que présente la fonction. Il en va de même d’ailleurs pour Nicolas Sarkozy, qui n’est toujours pas déclaré pour les primaires de la droite. Toutefois, François Hollande n’a pas intérêt à trop entretenir le doute sur ses intentions, donc sa légitimité, et favoriser ainsi ses concurrents. L’idéal serait donc d’être candidat sans l’être, tout en l’étant. Le lapsus remplit parfaitement ces conditions et ne peut guère être suspecté d’avoir été préparé.Quoique.