La moustache
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 13 mai 2016 10:53
- Écrit par Claude Séné
Dans le film adapté de son propre roman, Emmanuel Carrère met en scène Vincent Lindon qui décide un jour de se raser la moustache et se retrouve confronté à son entourage qui lui soutient qu’il n’en a jamais porté. S’il revoit les images de la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes, Laurent Lafitte pourra toujours prétendre que ce n’est pas lui qui a délivré ce spectacle navrant, car l’individu qui s’agite sous nos yeux ébahis lui ressemble en effet, mais porte une moustache, comment dire pour ne pas être insultant pour les gigolos, improbable.
Fort heureusement pour lui, il lui suffira de la raser pour pouvoir de nouveau sortir dans la rue sans devoir raser les murs pour échapper aux moqueries et quolibets que sa prestation, relayée par les télévisions du monde entier, devrait lui assurer. Le rôle de maitre de cérémonie est assez ingrat puisqu’il est destiné à mettre en valeur le festival et les invités prestigieux qui se sont déplacés pour l’occasion. Les prédécesseurs de Laurent Lafitte, généralement plus connus que lui, ont eu la modestie de s’effacer devant leur mission, en se mettant au service de l’évènement et non l’inverse, et ont surtout eu l’intelligence et la lucidité de faire écrire leur texte par des auteurs confirmés. En écoutant les blagues laborieuses de l’ancien pensionnaire de la Comédie française, le doute n’était pas permis : il les avait écrites lui-même. Un peu comme chez le coiffeur quand le figaro vous demande : « vous y avez touché, non ? »
Eh bien, oui, il y a sûrement touché, et nous, nous avons touché le fond quand il a cru amusant de balancer à Woody Allen une vacherie sur Roman Polanski en le remerciant de venir tourner en Europe sans y être obligé par des condamnations pour viol de la justice américaine. Il avait simplement oublié les accusations portées par sa fille adoptive à l’encontre de Woody, visiblement surpris par cette charge inattendue, assez peu conforme à l’idée que l’on se fait de l’esprit français et de notre sens de l’hospitalité. J’allais oublier un autre sommet de la beaufitude déguisée en glamour et qui pourrait expliquer le pourquoi de la fameuse moustache : la séquence du baiser. Il est bien connu qu’un baiser sans moustache, c’est comme une soupe sans sel. Laurent Lafitte a imaginé réaliser le rêve de tout un chacun en embrassant Catherine Deneuve. On ne sait pas quel effet cela lui a fait réellement, mais si l’actrice s’est bonifiée avec le temps, elle est assez loin de la sylphide sirène du Mississippi qui faisait fantasmer les adolescents de l’époque. Là aussi, Laurent Lafitte a quelques décennies de retard.