C’était moins deux
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 12 mai 2016 11:01
- Écrit par Claude Séné
Le coup passa si près que le cheval tomba et que le chapeau fit trois pas en arrière, avait coutume de dire mon père en une citation approximative du poème de Victor Hugo. Vous comprenez désormais d’où me vient ce légendaire sens de l’humour, mais ceci est une autre histoire. Il n’empêche que le gouvernement a dû sentir le vent du boulet puisque les opposants de gauche à la loi Travail ont bien failli réunir les 58 signatures nécessaires au dépôt de la fameuse motion de censure en réponse à la procédure d’adoption sans vote du texte.
Il ne s’en est fallu que de deux voix, qui auraient pu venir des amis de Martine Aubry. Arithmétiquement, la motion ne pouvait recueillir les 10 % de signatures nécessaires sans l’apport des socialistes en désaccord avec leur direction. La portée de ce geste n’aurait sans doute été que symbolique. Cette motion de censure n’aurait probablement pas été adoptée par la majorité requise de 288 députés, pas plus que celle qui a été déposée par la droite, pour des raisons diamétralement opposées. Même avortée, cette motion de défiance à l’égard du gouvernement acte une fracture radicale entre les socialistes. Le groupe parlementaire continue à soutenir majoritairement la politique décidée par l’exécutif, mais sans enthousiasme, pris en étau entre la loyauté envers ses dirigeants et l’état de l’opinion, largement opposée à cette loi El Khomri. Comme les frondeurs aiment à le rappeler, Manuel Valls met en pratique la politique qu’il avait défendue pour les primaires avant l’élection de 2012, quand il avait recueilli 5,63 % des suffrages.
La loi va donc être probablement adoptée sans vote et le psychodrame d’une dissolution que ne souhaite vraiment à peu près personne va être écarté. Et ensuite ? La contestation populaire ne sera pas éteinte pour autant. Le gouvernement aura-t-il le temps de prendre les décrets d’applications et les partenaires sociaux celui de négocier des accords d’entreprise avant le retour probable d’une droite bien décidée à aggraver un texte qu’elle juge trop timoré ? Quel bénéfice pourra en tirer l’exécutif ? Probablement aucun. Outre l’image désastreuse de mener une politique rejetée par l’opinion, sans amélioration visible du marché du travail, il lui faudra tenter une refondation de la famille socialiste, sans cesse repoussée, au pire des moments, quand l’élection présidentielle pousse aux simplifications et à la focalisation sur une personne, chargée de fédérer toutes les énergies, un leader charismatique qui manque cruellement à la gauche. Un héros, en somme, au sourire si doux, qui donnerait quand même à boire à une France exsangue.
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