Les derniers enragés
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 11 mai 2016 10:26
- Écrit par Claude Séné
Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, selon le dicton. La stratégie de Vincent Bolloré est moins subtile. Le président du conseil de surveillance du groupe Canal+ s’est visiblement assigné comme objectif de faire disparaitre de son antenne les derniers trublions du paysage audiovisuel français. Après avoir réussi à placardiser les Guignols, en les ayant dûment débarrassés de leur venin, le patron de la chaîne cryptée s’attaque au Petit Journal, qui avait l’outrecuidance de ne pas réserver ses piques à la gauche et s’était même permis de ridiculiser Alain Juppé dans ses efforts de jeunisme.
Le prétexte de ces purges est tout trouvé : il s’agit de faire des économies, et particulièrement sur les émissions en clair, la vitrine de la chaîne, qui a permis jusqu’ici de recruter et de conserver de nouveaux abonnés. Le groupe ayant subi des pertes financières, et devant l’hémorragie du nombre de clients, Bolloré a décidé de couper les vivres et de fermer le robinet de la pompe à phynance, quand tout aurait dû l’inciter à faire l’exact inverse pour relancer la machine. Il semble vouloir s’acharner à éradiquer ce que l’on a appelé un temps « l’esprit canal », avec une liberté de ton, appuyée sur du contenu, une façon de traiter l’actualité à la fois distrayante et instructive, qui a été copiée abondamment depuis. Après le Petit Journal, les prochains sur la sellette devraient être les équipes du Supplément et de La nouvelle édition, sans parler du Grand journal dont les audiences ne cessent de chuter, bien qu’expurgé de tout contenu politique.
En revanche, la bande de joyeux drilles de Touche pas à mon poste sur D8, propriété de Canal plus, n’a pas de souci à se faire, preuve de son innocuité. Là où les reporters du Petit Journal mouillent la chemise en Syrie ou aux meetings du Front national, les chroniqueurs de Cyril Hanouna débattent sereinement de la dernière téléréalité ou s’entrainent aux blagues potaches, sans danger pour l’image de la chaîne selon Bolloré. Pour la petite histoire, Direct 8, qui appartenait à Bolloré média, a été cédée à Canal plus pour s’appeler désormais D8 et devrait changer de nom pour C8 depuis que son ancien propriétaire a pris le contrôle de son nouvel actionnaire. Un petit mécano dans lequel Vincent Bolloré n’a pas perdu d’argent, rassurez-vous. Ce qui pourrait ne pas être le cas s’il continue à pratiquer une politique malthusienne en se privant de nouveaux talents sous prétexte qu’ils ne seraient pas dans la ligne. Une fois complètement aseptisée, la chaîne pourrait bien dépérir lentement mais sûrement, sous la concurrence de médias alternatifs.